Face à une barre HLM de 10 étages dans les quartiers Nord, l'école Jean-Perrin, ses sols aux dalles défoncées, son gymnase hors d'usage... "On n'en peut plus, on a besoin que ça bouge", lance une déléguée des parents, mère de deux enfants.
"C'est pas nos enfants qui cassent le sol ou abîment les vitres", poursuit-elle, avant de montrer des clichés pris, à l'intérieur d'établissements de la ville, par les parents d'élèves: dalles décollées, murs moisis, canalisations apparentes...
"On a l'impression d'être dans un pays en développement", tempête, devant la maternelle, Aïcha Moulay. Ici, les petits ont dû faire sans papier toilette pendant deux semaines, faute d'approvisionnement, raconte-t-elle: "Comment les enfants peuvent-ils se sentir citoyens de la République" dans ces conditions?
Sur internet, la lettre ouverte d'une enseignante, Charlotte Magri, révulsée, a fédéré la colère des parents et des profs. Elle y décrit le bâti qui menace ou le système D pour donner des tables et des chaises à tous les élèves.
Une colère partagée par plusieurs directrices d'écoles, réunies au sein du collectif Castellane.
"On craque", résume Magali Djian, leur porte-parole. "Vous voulez raboter une porte d'évacuation d'urgence qui ne s'ouvre plus. (Les services de la ville) viennent une fois pour voir, ils reviennent ils n'ont pas la rallonge, une troisième fois ils n'ont pas l'échelle, et enfin, ils vous disent qu'ils ne peuvent pas dégonder la porte"...
"De manière récurrente, il y a des problèmes de chauffage. C'est arrivé de travailler avec 10 ou 12 degrés dans les classes. Les petits travaillent avec la doudoune et les gants", poursuit-elle.
A l'école Saint-Louis-Consolat, pointée comme l'une de celle qui pose le plus problème, le délabrement ne saute pas aux yeux. L'AFP a pu visiter le préfabriqué où depuis une quarantaine d'années les minots des quartiers Nord usent leur fonds de culottes.
La classe semble propre, fraîchement repeinte. Mais selon Ali Saïd Hassan, parent d'élève, la ventilation est totalement insuffisante, ce dont témoigne l'odeur de renfermé. "Mon fils, en CE2, rentre de l'école, il pue", assure-t-il, ajoutant que plusieurs enfants développaient de l'asthme ou des sinusites.
Pour faire changer les choses, "on nous a conseillé de faire flamber l'école. Mais on ne le fera pas": pas question de nourrir la caricature des quartiers Nord, où se concentrent les zones de pauvreté.
- Gestion de l'urgence -
Selon Mme Magri, la mairie, responsable des bâtiments, "n'intervient pas" assez dans ces quartiers. "Tu es pauvre, tu as une école de m...., tu es riche, tu as une belle école. En tant que citoyenne et en tant qu'enseignante, j'ai honte", écrit-elle.
La ville ne fait que de "la gestion de l'urgence, et même dans la gestion de l'urgence, c'est de moins en moins bien", abonde Séverine Gil, présidente de l'association de parents d'élèves MPE 13. Comme d'autres interlocuteurs, elle ne peut toutefois affirmer que le problème se limite à certaines zones.
La controverse a pris un tour politique: la mairie centrale de Marseille souligne avoir consacré 198 millions d'euros en 2015 "à l'éducation et à la jeunesse", son premier poste de dépenses.
Tandis qu'au PS, la sénatrice-maire Samia Ghali dénonce des "conditions réelles d'apartheid" dans les quartiers Nord et que le député Patrick Menucci suggère de vendre le coûteux Stade Vélodrome pour remettre à flot les écoles, la municipalité, dirigée par Jean-Claude Gaudin (Les Républicains), assure que "l'ensemble des quartiers de la ville bénéficie de cette ambition de donner aux enfants les meilleures conditions d'apprentissage".
A l'école Jean-Perrin, les enseignants regardent ces débats avec un soupçon de résignation. Le délabrement des locaux "ne nous empêche pas de faire cours", philosophe un instituteur: "Les enfants n'ont jamais vu autre chose, ils ne se rendent pas compte. Ils ne savent pas que c'est différent ailleurs."
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