Le gouvernement a radicalement changé de discours sur le sujet. "Ce n'est pas à un moment où il y a un taux de chômage élevé qu'il faut réduire les droits des chômeurs", plaidait François Hollande début 2014, avant le début de la précédente renégociation.
Deux ans, 280.000 chômeurs et 8,1 milliards d'euros de déficit plus tard, la tonalité est différente. Le mois dernier, François Hollande et Manuel Valls ont, tour à tour, demandé aux partenaires sociaux gestionnaires du régime de "tout faire" pour favoriser le "retour à l'emploi".
Les règles d'indemnisation arrivent à échéance le 1er juillet. Syndicats et patronat se retrouvent autour du 20 février pour négocier la prochaine convention, alors que le chômage a atteint un record fin 2015 - 3,59 millions de demandeurs d'emploi sans activité en métropole - et que la dette du régime est abyssale - 29,4 milliards d'euros prévus fin 2016.
Dans ce contexte, la ministre du Travail Myriam El Khomri n'exclut pas un retour à la dégressivité des allocations, une position traditionnelle du patronat et de la droite. Elle a appelé dimanche à "regarder les choses de façon non passionnée", tout en admettant que dans les années 1990, ce système n'avait pas prouvé son efficacité auprès des "personnes les plus en difficulté".
"Cela fait partie des choses qui seront discutées par les partenaires sociaux", a renchéri Michel Sapin, ministre des Finances, sur iTÉLÉ, mais cela "doit s'accompagner d'autres (pistes): si vous êtes dans la dégressivité d'un côté, vous devez être (...) dans l'augmentation du droit à la formation, des droits à la reprise de l'emploi" de l'autre.
Le ministre de l?Économie Emmanuel Macron a précisé lundi à Saint-Nazaire que "la dégressivité" des allocations chômage faisait partie des options "dont les partenaires sociaux auront à discuter".
Aujourd'hui, les demandeurs d'emploi bénéficient d'une allocation fixe (environ 57% de l'ancien salaire brut, 70% du net) tout au long de leur indemnisation, qui peut durer jusqu'à deux ans, et trois ans pour les seniors, avant de basculer dans le régime de solidarité financé par l'État.
- 'Qu'ils nous laissent négocier !' -
La dégressivité a déjà été mise en ?uvre entre 1992 et 2001, mais en septembre 2001, une étude de l'Insee a conclu qu'elle avait ralenti le retour à l'emploi, indépendamment de la conjoncture économique et alors qu'elle avait "été mise en place avec l'intuition qu'elle encouragerait le retour à l'emploi".
La CGPME a remis le sujet sur la table en 2014, proposant une dégressivité après un an d'indemnisation, sans succès.
Cette année, cette option n'a jusque-là pas été défendue ouvertement. Mais la CGT a devancé le débat, son négociateur Eric Aubin y voyant "une mauvaise mesure", qui n'a eu "aucun effet sur la baisse du chômage".
"On est assez surpris que les politiques se permettent de dire ce à quoi on doit aboutir dans la négociation (...) Qu'ils nous laissent travailler et négocier !" s'est d'ailleurs agacé M. Aubin, interrogé lundi par l'AFP.
La proposition hérisse aussi son homologue de la CFDT, Véronique Descacq: "La dégressivité pourrait avoir un effet incitatif dans une période de plein emploi, mais avec notre chômage élevé, c'est humainement stupide et économiquement un non-sens".
Pour Pierre-Édouard Magnan, du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), la dégressivité est "un casus belli". Ce serait "une source de précarisation accrue de gens à qui on n'est déjà pas capable de retrouver du boulot", a-t-il estimé sur RTL.
Mais la Cour des comptes a récemment apporté de l'eau au moulin des détracteurs d'une assurance chômage supposée trop généreuse. Elle a appelé les partenaires sociaux à "effectuer des choix pour garantir la pérennité" du régime, suggérant plusieurs pistes d'économies, dont une baisse des allocations ou de la durée d'indemnisation des seniors.
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