C'est une fulgurance de calendrier dont l'ex-garde des Sceaux a le secret. Moins d'une semaine après avoir quitté la Place Vendôme où lui a succédé Jean-Jacques Urvoas, Mme Taubira publie ses "Murmures à la jeunesse" chez l'éditeur Philippe Rey. Dans ce livre secrètement imprimé en Espagne à 40.000 exemplaires et mis en place dans les librairies depuis lundi matin, elle redit son opposition à l'élargissement de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français et condamnés pour terrorisme qui figure pourtant dans le projet de réforme constitutionnelle qu'elle a cosigné et qui sera examiné à l'Assemblée à compter de vendredi.
"Elle y a réfléchi pendant les vacances de Noël. Elle a travaillé dessus les dix premiers jours de janvier", a précisé son entourage à l'AFP. L'éditeur Philippe Rey a quant à lui expliqué que Mme Taubira l'avait contacté "vers le 10 janvier pour [lui] dire qu'elle avait écrit un court texte d'une centaine de pages, déjà rédigé, et qu'elle souhaitait le publier fin janvier, avant l'ouverture du débat à l'Assemblée sur la déchéance de nationalité". La future ex-ministre n'avait alors "rien dit sur sa démission", a-t-il précisé.
Selon une source gouvernementale, François Hollande aurait même eu le livre en main dès le 23 janvier, avant sa visite officielle en Inde, quand fut actée la démission de sa garde des Sceaux, annoncée officiellement quatre jours plus tard.
Autre ironie du calendrier: le jour même de l'annonce du départ de Mme Taubira, Manuel Valls proposait une nouvelle version du texte constitutionnel expurgée de toute référence à la nationalité. Et l'avant-projet de loi d'application dont l'AFP a obtenu copie dimanche met la déchéance entre les mains du juge judiciaire.
- Lors des attentats, "le président se hisse" -
"C'est un livre sur le fond des choses, pas un livre polémique", selon son entourage. Un opus de 96 pages truffé de références littéraires (Frantz Fanon, Edouard Glissant, René Char...) mais aussi musicales avec, sur la nationalité, cette citation de Maxime Le Forestier jetée dans le débat: "Être né quelque part, pour celui qui est né, c'est toujours un hasard".
"L'absence totale d?efficacité, unanimement reconnue, suffit-elle pour renoncer à la déchéance? Non, bien sûr". Mais "osons le dire: un pays doit être capable de se débrouiller avec ses nationaux. Que serait le monde si chaque pays expulsait ses nationaux de naissance considérés comme indésirables?", écrit Mme Taubira.
"Déchoir des terroristes, qui songerait à s'y opposer? Binationaux ou non! Mais quel effet sur les mêmes? Ils ne meurent ni Français, ni binationaux, ils meurent en morceaux. D'ailleurs étaient-ils binationaux, les neuf qui ont semé la mort et la désolation dans Paris ce soir du 13 novembre? Par contre, ils en ont tué, des binationaux: vingt-sept! Trois fois plus qu'eux", écrit-elle également.
Au passage, elle rend hommage François Hollande et à sa gestion des attentats: "Le président se hisse (...) Il se soucie de la capacité de l'Etat à faire face à cette situation exceptionnelle". Celle qui fut décrite comme la "caution de gauche" du gouvernement de Manuel Valls défend également la constitutionnalisation de l'état d'urgence, autre volet de la réforme, "pour en fixer un cadre conforme à l'Etat de droit et à un Etat moderne".
Pour le "frondeur" PS Christian Paul, ce livre "n'est pas une polémique avec le président de la République ou le Premier ministre" et a été écrit "avec beaucoup de sens de l'intérêt général". Pour la porte-parole des Républicains Valérie Debord en revanche, "la sortie de ce livre montre l'égoïsme incarné à un niveau rarement atteint dans la République. Cette femme, en fait, alors qu'elle se disait affairée à s'occuper de notre justice, ne préparait que son avenir".
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