"On a eu très chaud mais là c'est que du bonheur, on a du travail et il est plus intéressant car tout est manuel, alors qu'avant tout était automatique", résume Rosa, 60 ans, une des 34 Jeannette licenciées en janvier 2014, visiblement comblée par le nouveau site flambant neuf ouvert en mai, où domine l'alléchante odeur des gâteaux.
Son sourire contraste avec le souvenir de son visage tendu un an plus tôt alors qu'elle comparaissait avec quatre autres ex-salariés pour l'occupation de l'ancienne usine Jeannette. Le propriétaire leur réclamait 128.000 euros en tout. Il n'a obtenu que leur départ.
Une vingtaine des salariés licenciés se sont relayés nuit et jour entre février 2014 et janvier 2015 pour occuper leur ancien site et "sauver Jeannette". Au printemps 2014, après avoir tenu tête aux huissiers venus saisir les machines puis couper le gaz, ils ont produit plusieurs fournées de gâteaux que les Caennais se sont arrachés sur le marché.
Leur succès a fini par attirer des repreneurs et la marque a été attribuée en novembre 2014 par la justice à un ancien cadre de Suez, Georges Viana. Mais ce dernier n'a dû son salut qu'à la réussite exceptionnelle en septembre d'une opération de financement participatif, car aucune banque ne lui avait encore accordé de prêt lorsqu'il s'est présenté devant les juges.
- 'Rien n'est gagné' -
Aujourd'hui, après deux ans de "parcours du combattant", le repreneur a tenu ses promesses : les madeleines sont en vente depuis septembre et Jeannette emploie 18 personnes quand M. Viana promettait une quinzaine d'emplois au départ. 13 font partie des licenciés de l'ancienne biscuiterie qui employait 400 personnes dans les années 70.
Du site vétuste de Caen, il ne reste que quelques cartons d'emballage.
La biscuiterie s'est installée en périphérie de l'agglomération, à Démouville, avec de nouvelles machines destinées à produire beaucoup moins, mais plus haut de gamme (deux euros les quatre).
Les ouvriers manipulent désormais farine, ?ufs, et fil à couper le beurre local, alors qu'auparavant "j'appuyais sur le bouton d'une machine qui injectait la pâte, j'ajoutais juste de la levure et du sel. Ici les journées passent plus vite", raconte André, 55 ans.
"Rien n'est gagné, on sort seulement de terre. On se bat comme on l'a toujours fait", tempère Marie-Claire Marie, chef de fabrication et 40 ans de maison. Et ce, même si les salariés ont au passage perdu leur ancienneté sur la feuille de paie.
"Tout n'est pas rose", confirme Georges Viana. "On a des demandes de beaucoup de magasins y compris de la grande distribution, mais on commence tout juste à fournir une quinzaine de boutiques, parce qu'on n'a pas encore l'argent pour acheter le matériel pour produire plus. C'est très frustrant", explique le patron de l'entreprise.
D'autant que le seuil de rentabilité n'est pas atteint. Le prêt bancaire (250.000 euros) décroché en juillet devrait arriver d'ici deux semaines sur le compte de la biscuiterie. Le financement participatif a permis à Jeannette de lever 430.000 euros pour un projet de 1,1 million au total, aides incluses.
En décembre, "on était en rupture quasi tous les jours. On ne vendait presque qu'en direct", poursuit-il.
"L'atelier", qui ne produit que 500 à 600 kg par jour, espère passer à une tonne en avril pour un total de 250 tonnes en 2016 et 750 tonnes en 2020, quand l'ancienne usine en sortait 2.700 tonnes par an.
En attendant, les Jeannette sont invités à raconter leur épopée à l'Assemblée nationale le 16 février.
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