"Que peut-on y faire? Nous devons venir tous les jours", raconte cet homme de 36 ans, qui vient remplir ses deux bidons le matin, avant d'aller au travail.
Désabusé, il semble s'être habitué à cette pénurie qui s'ajoute à celles, quotidiennes, de biens aussi basiques que le café, l'huile ou le riz.
Mais alors que le Venezuela compte déjà 4.700 cas suspects du virus Zika, une maladie qui touche 23 pays ou territoires du continent américain et inquiète l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le manque d'eau pourrait être un terreau fertile pour l'expansion de la maladie.
Tranmis par le moustique tigre et le moustique Aedes aegypti, également vecteurs de la dengue ou du chikungunya, le virus est en apparence bénin, s'accompagnant de symptômes grippaux, mais il est soupçonné de provoquer une grave malformation congénitale, la microcéphalie (taille réduite de la boîte crânienne, néfaste au développement intellectuel).
Selon le docteur Julio Castro, professeur à l'Institut de médecine tropicale de l'Université centrale, la difficulté de trouver de l'eau potable est un facteur de risque : nombre d'habitants se voient obligés à recueillir et stocker de l'eau chez eux, créant ainsi le terrain idéal pour le moustique, qui prolifère dans les eaux stagnantes des zones humides et tropicales.
Il estime que les chiffres officiels sont largement inférieurs à la réalité, évaluant à au moins 250.000 le nombres de cas de Zika enregistrés au Venezuela ces derniers mois.
"Ma belle-fille s'est réveillée ce matin avec ce qui me semble les symptômes", raconte Maryori Magallanes, enseignante de 50 ans, tandis que les autorités procèdent à la fumigation de sa maison pour tuer les moustiques.
"J'ai une nièce qui est enceinte et ils disent que c'est assez risqué", s'inquiète-t-elle, dans ce pays en pleine crise économique où les médicaments font aussi cruellement défaut.
- 45% de pluies en moins -
La situation est telle que le Parlement, contrôlé depuis peu par l'opposition, vient de voter un accord pour chercher des solutions au manque d'eau, s'inquiétant que "les 18 plus grands réservoirs de fourniture d'eau potable du pays sont proches du niveau minimum".
Dans l'ouest de Caracas, des files de camions citernes se forment face à un déversoir destiné normalement à l'arrosage des jardins publics, mais désormais consacré à la consommation.
"Nous mettons du temps à remplir et des queues se forment", se plaint l'un des camionneurs, qui ne veut pas donner son nom.
Le gouvernement impose un sévère rationnement d'eau, le justifiant par le retard pris par la saison des pluies, pour la troisième année consécutive, un effet du phénomène météorologique El Niño.
"Le volume de pluies depuis 2013 est inférieur de 45% aux années antérieures", a expliqué le ministre de l'Eau Ernesto Paiva. "Il faut prendre des mesures dans l'attente de la saison des pluies, prévues pour avril".
Mais le problème n'est pas nouveau, rappelle José Maria de Viana, ex-président de Hidrocapital, gestionnaire public des aqueducs de la région nord.
L'Etat "a arrêté de faire les investissements nécessaires pour améliorer l'infrastructure qui permettrait de garantir la fourniture" d'eau potable, regrette-t-il.
Le Venezuela compte pourtant l'un des fleuves au débit plus important du continent américain, le fleuve Orinoco, mais au cours des 18 dernières années, seuls deux nouveaux réservoirs ont été construits, un nombre insuffisant compte tenu de la croissance démographique.
"Les entreprises d'eau potable (toutes publiques, ndlr) sont très faibles institutionnellement, avec un équilibre financier précaire qui leur empêche d'investir", note José Maria de Viana.
La sécheresse frappe particulièrement le nord du pays, éloigné des sources principales, notamment l'Etat de Falcon (nord-ouest), placé en état d'alerte depuis juillet dernier.
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