"J'ai payé ma licence, ma voiture, je paye mon loyer 450 euros par mois, mais aujourd'hui, ce que je crains plus que tout c'est de briser le rêve de ma fille, Vanessa. Elle fait un master de commerce international à l'Edhec de Lille. Ca me coûte 940 euros par mois, pendant quatre ans, et il faut que je puisse continuer à travailler", lâche-t-il, la voix cassée et les larmes aux yeux.
"Aujourd'hui je suis très, très déçu, car ni l'opinion publique, ni les media n'ont compris ce conflit", ajoute-t-il, tandis que les derniers irréductibles quittent la porte Maillot à Paris, qu'ils avaient investie depuis mardi.
"Ils n'ont pas compris qu'il s'agissait d'un vrai mouvement social de gens financièrement étranglés comme beaucoup d'autres, et pas de revendications corporatistes", poursuit Hipolito, à l'origine, avec une association espagnole, de la mobilisation de chauffeurs européens depuis mardi dont "80 Espagnols, 12 Italiens et 34 Belges".
Adossé à son taxi, cet homme de 53 ans, plein de bonhomie, marié et père de deux filles de 18 et 22 ans, contemple le sol jonché de détritus, devant le Palais des congrès. Tandis que les forces de l'ordre resserrent les rangs autour d'un petit groupe rassemblé près d'un brasero, il secoue la tête.
Son téléphone sonne, c'est sa femme. Elle s'inquiète de son état de fatigue.
- "Vivre" -
"Uber embauche des jeunes des banlieues nord de Paris à la pelle. Ils sont exploités, ne le voient pas, et enrichissent les multinationales. Ils ne verront jamais l'ascenseur social", regrette Hipolito, qui parle de son métier comme d'une "vocation". Il ajoute: "l'uberisation de la société, ça revient à tout déshumaniser, à laisser de côté tout ce qui n'est pas rentable. Avec le numérique, ils auront la planète entière".
A raison de "11 à 13 heures de disponibilité professionnelle par jour", et "beaucoup de dimanches travaillés", ce chauffeur artisan chiffre à "11.300 euros" son revenu net en 2014. Il ajoute que sa fille Vanessa, étudiante à l'Edhec et "bonne élève", est boursière.
"Uber est en train de spolier tous les pays, on estime qu'il nous a pris 40% du marché, sans payer de taxes. Moi, avec mes impôts, je participe à la maintenance des infrastructures, Uber non", déplore-t-il.
"Syndicats, chauffeurs et pouvoirs publics n'ont pas compris que nous étions plus forts qu'Uber si nous le voulions. Car nous sommes 360.000 chauffeurs de taxis en Europe et il suffirait d'une application smartphone européenne commune à tous pour faire le poids", ajoute-t-il.
Hipolito a acheté sa licence "180.000 francs" en 1988. Aujourd'hui elle coûte "247.000 euros et plus personne ne peut se le permettre", dit-il, en expliquant pourquoi seulement "3.000 à 4.000 chauffeurs parisiens sur environ 20.000, sont artisans".
"J'ai acheté ma licence, pas mon appartement. Grave erreur ! Si je perds mon activité, qu'est-ce que je deviens? Je ne veux pas de pitié. Je veux juste vivre normalement".
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