Mme Taubira a été remplacée par Jean-Jacques Urvoas, proche de Manuel Valls et président de la commission des Lois à l'Assemblée nationale.
S'il a "salué" le travail de Mme Taubira Place Vendôme depuis 2012, François Hollande a souligné, lors du Conseil des ministres, la nécessaire "cohérence dans l'action" et l'"éthique collective" au sein du gouvernement. Or, censée porter cette réforme décidée après les attentats du 13 novembre, Mme Taubira n'avait pas caché son opposition à l'extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés français.
En décembre, elle avait même annoncé son abandon sur un média algérien, avant d'être désavouée par l'Elysée et Matignon.
"Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit", a tweeté Mme Taubira peu après sa démission, décidée selon l'Elysée avant le départ de M. Hollande en Inde le week-end dernier.
Elle fera une déclaration à la presse à 15H15 à la Chancellerie.
Une cascade de réactions a accompagné la démission de Christiane Taubira, devenue une figure de la gauche depuis la réforme du mariage homosexuel mais également une des cibles favorites de la droite et l'extrême droite, et objet aussi parfois d'attaques racistes.
L'ex-députée de Guyane s'est dite "fière" de son action Place Vendôme depuis 2012. "La Justice a gagné en solidité et en vitalité. Comme celles et ceux qui s'y dévouent chaque jour, je la rêve invaincue", écrit-elle.
Marine Le Pen, présidente du Front national, a salué "un soulagement" et "une bonne nouvelle pour la France". Pour Guillaume Larrivé (Les Républicains), Mme Taubira a été "la pire ministre de la Justice de la Ve République". "Pour une fois, je n'avais pas demandé sa démission", a ironisé Jean-François Copé (LR) sur Twitter.
- "Rétrécissement" de la majorité -
A gauche, Benoît Hamon, ancien ministre PS et proche de Mme Taubira, a exprimé son "respect pour les convictions" de l'ex-ministre. Jean-Christophe Cambadélis lui a adressé ses "amitiés" au nom de "combats communs" tandis que pour le frondeur Laurent Baumel, "François Hollande aura fracturé la gauche d'un bout à l'autre". Cécile Duflot (EELV) a elle "salué chaleureusement la décision de courage et de conviction" de Mme Taubira.
Nombre d'élus s'alarmaient, à un an et demi de l'élection présidentielle, du "rétrécissement" de la majorité de François Hollande, après les départs en 2014 de Cécile Duflot, puis Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et Benoît Hamon.
Député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas est un spécialiste des questions de sécurité. Il avait notamment été le rapporteur de la loi sur le renseignement en 2015. Il "portera, aux côtés du Premier ministre, la révision constitutionnelle et préparera le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et la réforme de la procédure pénale", indique l'Elysée.
Après ce coup de théâtre, Manuel Valls a précisé lui-même les contours de la réforme constitutionnelle mercredi matin devant la Commission des lois de l'Assemblée. Le Premier ministre a annoncé qu'"aucune référence" à la binationalité ne figurerait dans la Constitution, "ni a priori dans la loi ordinaire" censée décliner cette réforme.
Cette solution, une subtilité sémantique qui n'enlève rien au fond de la réforme, permet de ne pas "stigmatiser" les binationaux, l'un des principaux reproches formulés par la gauche. La France, par ailleurs, "s'engagera dans la ratification" de la Convention de 1954 interdisant la créations d'apatride, a précisé le Premier ministre.
M. Valls a par ailleurs accédé à une demande de la droite en annonçant que cette déchéance serait rendue possible également pour "les délits les plus graves", alors que le projet de réforme présenté en Conseil des ministres n'évoquait que les "crimes" portant atteinte aux intérêts de la nation.
Le parcours parlementaire de cette réforme ne fait lui que commencer. Le 5 février, la révision constitutionnelle arrivera en débat, pour trois jours, chez les députés, pour un vote solennel prévu le 10. Quant au Sénat, il devrait en débattre un mois plus tard, avant une réunion du Parlement en Congrès.
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