Le Premier ministre, qui défendra lui-même cette nouvelle révision de la Constitution de 1958 sans sa ministre de la Justice Christiane Taubira, se rend vers 11H30 devant la commission des Lois de l'Assemblée pour présenter le texte qui, par ailleurs, "constitutionnalise" l'état d'urgence dans son article premier. Mais il présentera aussi deux projets de loi d'application, c'est à dire les modalités de mise en oeuvre.
Le chef du gouvernement fera "des propositions, après toute cette phase de consultations pour permettre (...) le rassemblement le plus large", a-t-il expliqué mardi.
Tout en résumant le travail d'équilibriste qui lui est imposé: "respecter pleinement l'engagement du président de la République pris devant les Français" le 16 novembre, soit l'extension de la déchéance à tous les binationaux ; et "faire en sorte que cette écriture, cet article 2, comme l'autre, rassemble le plus largement", alors que plus de 100 députés socialistes ont déjà annoncé leur intention de voter contre.
Abandonner la mesure, comme il avait été envisagé de le faire avant Noël pour finalement la conserver, coûterait aussi à l'exécutif le soutien de la droite, impératif pour faire adopter une révision constitutionnelle au Congrès avec une majorité des 3/5e.
Pour déminer le terrain, François Hollande avait reçu mercredi les présidents de l'Assemblée Claude Bartolone et du Sénat Gérard Larcher, puis vendredi les représentants des groupes parlementaires.
Mais le chef de l'Etat s'était gardé d'en dire plus sur ses intentions à l'issue de ces consultations.
En parallèle, le président socialiste de la commission des Lois et proche de Manuel Valls, Jean-Jacques Urvoas, avait lui été chargé depuis deux semaines de trouver une solution de compromis. "Quadrature du cercle", reconnaissaient des députés PS, qui ont peiné à faire émerger un consensus ces derniers jours.
Si les Français s'y disent largement favorables à en croire les sondages, la mesure divise considérablement la gauche. Ses opposants y voient une discrimination entre les Français ayant une seule nationalité et les binationaux. Quand bien même une discrimination existe déjà dans le droit actuel, qui permet la déchéance pour les binationaux naturalisés et pas ceux qui sont nés Français.
Selon le président du groupe PS Bruno Le Roux, il ne devrait pas y avoir "de référence dans la Constitution à la binationalité", ce qui n'exclut pas qu'elle soit mentionnée dans la loi d'application.
- Caractère symbolique -
Evoquée par certains socialistes, l'extension de la déchéance à tous les Français a été retoquée par Manuel Valls, qui se refuse à "créer des apatrides".
D'autres avancent une déchéance de citoyenneté, ou une indignité nationale, avec une privation de certains droits. Mais la mesure est trop éloignée de la proposition initiale de François Hollande et ne suffit pas à la droite. Le chef de file des députés UDI, Philippe Vigier, a ainsi mis en garde contre un "tour de passe-passe" de François Hollande.
L'exécutif et M. Urvoas ont-ils trouvé la voie? La question était au menu d'un dîner du Premier ministre avec les membres PS de la commission des Lois mardi soir. Objectif? "Travailler et conclure", dixit un des invités. "La nuit va être longue", résumait un autre.
Au point que "la solution sera finalisée mercredi matin", lorsque le chef du gouvernement retrouvera François Hollande à l'Elysée avant le Conseil des ministres, selon une source proche de Manuel Valls.
Le parcours parlementaire de la mesure, qui aura monopolisé le débat politique de ce début 2016 quand bien même tous s'accordent sur son caractère symbolique, ne fait lui que commencer.
Le 5 février, la révision constitutionnelle arrivera en débat, pour trois jours, chez les députés, pour un vote solennel prévu le 10.
Quant au Sénat, qui devrait en débattre un mois plus tard, plusieurs sénateurs ont déjà annoncé leur intention d'amender le texte, ce qui impliquerait au moins un retour devant l'Assemblee.
Suivra ensuite, si la révision emporte la majorité des deux chambres sur la même version, un vote de tous les parlementaires en Congrès à Versailles.
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