En cette année électorale, les projets mirifiques pour fluidifier la circulation dans la mégapole de 12 millions d'âmes sont au coeur de toutes les promesses.
Mais pour beaucoup, ils ne sont que des plans sur la comète, car la lourdeur de l'administration philippine et la corruption endémique semblent rendre illusoire l'aboutissement de tout projet majeur dans les infrastructures de Manille.
L'aube est encore lointaine, chaque matin, quand Maria Zurbano, 36 ans, embrasse sa fille de trois ans avant de prendre le chemin de son travail.
Cette conceptrice de sites internet passe trois heures dans un minibus bondé pour rejoindre le quartier financier de Makati, à 17 km de chez elle. Et autant pour rentrer le soir.
"Etre assise aussi longtemps est mauvais pour ma santé. J'ai des problèmes de dos", confie-t-elle vers 05H00 du matin à l'arrêt de bus proche de son domicile.
"La circulation ne fait qu'empirer et moi je suis de plus en plus stressée. Rien ne permet de penser que les choses s'amélioreront. Il faut juste apprendre à vivre avec", se résigne-t-elle.
- 'Problème le plus critique' -
Selon une analyse gouvernementale, le problème de la circulation à Manille et ses environs coûte chaque jour trois milliards de pesos (57 millions d'euros) en heures de travail perdues notamment, soit 0,8% de son produit intérieur brut.
Et il ne fait que s'aggraver car l'émergence de la classe moyenne est responsable d'un boum automobile: les ventes de voitures ont progressé de 23% l'an dernier, où près de 300.000 nouveaux véhicules ont été immatriculés.
Seule une poignée de grandes artères permettent de traverser la capitale, où rien n'a été fait pour les infrastructures pendant des décennies. Et à Manille, "l'heure de pointe" dure en fait trois à quatre heures.
Pour les particuliers, les options sont réduites car le réseau ferroviaire est minuscule et vétuste.
Un réseau privé de bus et de minibus, dont les conducteurs s'affranchissent allègrement du code de la route - par exemple en s'arrêtant au beau milieu des rues pour ramasser des passagers - est montré du doigt comme aggravant le problème.
"Ce sera le problème le plus critique pour le prochain gouvernement", estime John Forbes, de la Chambre américaine de commerce de Manille.
Si rien n'est fait pour construire des routes et des voies ferrées, Manille pourrait selon lui d'ici trois à cinq ans devenir carrément "inhabitable", c'est-à-dire que les gens ne pourront tout simplement plus se déplacer dans la ville.
Les Philippins éliront en mai le successeur du président Benigno Aquino qui, bien que relativement populaire, passe dans l'opinion pour n'avoir rien fait pour moderniser les infrastructures.
Il avait été cloué au pilori il y a quelques années quand il avait affirmé que les embouteillages n'étaient que le symptôme d'une économie en plein essor.
- Le bien-nommé 'Plan de rêve' -
Depuis, ses conseillers ont vainement tenté de rectifier le tir, en annonçant des projets concrets de voies express ou de prolongement de lignes de train.
Il y a aussi le bien-nommé "Plan de rêve" pour juguler les embouteillages.
Adopté en 2014, ce méga-projet détaille 59 milliards d'euros d'investissements d'ici 2030 pour Manille et sa région. Il prévoit des lignes de métro, des villes nouvelles connectées par des trains à grande vitesse, de nouvelles routes ou encore le transfert de ports et d'aéroports...
"Le financement ne devrait pas être un problème", estime le sous-secrétaire aux Finances, Gil Beltran, en citant l'amélioration de la notation financière des Philippines qui leur permettra d'emprunter à un meilleur taux ainsi que l'aide du gouvernement japonais et de bailleurs internationaux.
Beaucoup estiment que la lourdeur administrative et la corruption rendent illusoire la mise en ?uvre de ce schéma. Ils en veulent pour exemple cette extension de 19 kilomètres du métro dans le sud de la métropole.
Dans une mauvaise blague, Benigno Aquino avait en 2013 déclaré qu'il était prêt à passer sous un train si le projet n'était pas fini fin 2015. Mais les travaux n'ont pas encore commencé et le processus d'appel d'offres n'est même pas finalisé.
"Ce projet s'appelle le Plan de rêve parce qu'il restera toujours du domaine du rêve", ironise le professeur Gilbert Llanto, président de l'Institut philippin pour les études du développement.
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