Cinq ans après le renversement du régime de Zine El Abidine Ben Ali, des manifestations contre la misère et pour la justice sociale ont débuté dans la région défavorisée de Kasserine (centre) à la suite du décès samedi d'un jeune chômeur.
Le mouvement s'est propagé ces derniers jours à de nombreuses autres villes et a notamment été marqué la nuit dernière par des violences dans le Grand Tunis.
Le couvre-feu a été décrété de 20H00 à 05H00 (19H00 à 04H00 GMT) "au vu des atteintes contre les propriétés publiques et privées et de ce que la poursuite de ces actes représente comme danger pour la sécurité de la patrie et des citoyens", selon le ministère de l'Intérieur.
Une mesure similaire avait déjà été prise au soir de l'attentat suicide contre la sécurité présidentielle (12 agents tués) revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) le 24 novembre à Tunis.
Elle est cette fois motivée par une vague de protestations sociales inédites depuis la révolution, dans un pays qui fait figure de rescapé du "Printemps arabe" mais ne parvient pas à s'extirper du marasme économique.
- Appels au calme -
"Il s'agit de la crise sociale la plus grave depuis 2011", a déclaré à l'AFP l'analyste indépendant Selim Kharrat, en évoquant "des manifestations sur tout le territoire".
Le Premier ministre Habib Essid a dû écourter une tournée en Europe en raison des évènements. Il rentrera vendredi soir en Tunisie après une rencontre à Paris avec le président français François Hollande, a indiqué la présidence du gouvernement à l'AFP.
M. Essid réunira samedi une cellule de crise et un conseil des ministres exceptionnel, avant une conférence de presse.
En son absence, des responsables tunisiens ont appelé au calme.
"Nous aimerions que le citoyen fasse preuve d?un peu de sagesse, qu?il sache qu?il est de notre intérêt de préserver la Tunisie", a dit sur Shems FM le ministre de la Fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, Kamel Ayadi, en assurant que "l?Etat (...) étudie le dossier de l?emploi".
Dans la nuit, des actes de "pillages" et de "saccages" ont été enregistrés à Cité Ettadhamen, un quartier populaire du Grand Tunis. Deux magasins ainsi qu'une agence bancaire ont été saccagés, selon une journaliste de l'AFP.
Les heurts avec les forces de l'ordre ont duré "jusqu'à cinq heures du matin" et au moins "16 personnes" ont été arrêtées, a indiqué un haut responsable de la Garde nationale (gendarmerie), le colonel Khalifa Chibani, sur Mosaïque FM.
- Mises en garde des autorités -
Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Walid Louguini, a lui dénoncé une "tentative de la part de criminels de profiter de la situation". "Nous sommes avec les manifestants pacifiques, mais les autres actes, les violences contre les biens publics et privés, seront sévèrement punis", a-t-il prévenu.
A l'échelle nationale, au moins "trois postes de police ont été attaqués" et 42 membres des forces de l?ordre blessés au cours des dernières 24 heures, a ajouté M. Louguini.
Le porte-parole du ministère de la Défense, Belhassen Oueslati, a indiqué à l'AFP que "des unités supplémentaires" de l'armée avaient été déployées en renfort dans tous les gouvernorats pour assurer "la protection des institutions publiques mais aussi des institutions privées sensibles".
A Sidi Bouzid (centre), où l'immolation du vendeur ambulant Mohammed Bouazizi fin 2010 avait déclenché la révolution, le gouvernorat a ainsi été placé sous la protection de l'armée.
De nouveaux heurts entre manifestants et policiers --jets de pierre contre gaz lacrymogène-- y ont repris en matinée, selon le correspondant de l'AFP.
A Kasserine, comme les jours précédents, des centaines de personnes se sont rassemblées devant le gouvernorat pour demander une réponse à leurs revendications, d'après une journaliste de l'AFP.
Les tensions sociales ont débuté samedi dans cette ville de 80.000 habitants lorsqu'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, est mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait avec d'autres contre son retrait d'une liste d'embauches dans la fonction publique.
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