Il faut "bâtir pour permettre aux personnes de se reconstruire", souligne le père Devert, 68 ans, pour résumer trois décennies d'action en faveur des plus démunis. Accueil des réfugiés syriens, intégration des Roms, accompagnement des personnes âgées ou hébergement des étudiants, Habitat et Humanisme se retrouve aujourd'hui en première ligne.
Pour répondre à l'urgence, "il faut arrêter de diaboliser l'argent. Il faut le mettre au travail pour que la solidarité soit au c?ur de l'activité économique", explique le dirigeant, interrogé par l'AFP dans le modeste bureau d'un bâtiment désaffecté de Saint-Genis-les-Ollières (Rhône) d'où il pilote le relogement d'une quinzaine de familles Roms.
"La vie éternelle, ce n'est pas demain. C'est ici et maintenant", lance le père Devert pour expliquer son combat pour "humaniser la société". Une philosophie "sulfureuse" qui lui a valu l'incompréhension de l?Église, bien avant que l'économie sociale et solidaire (ESS) ne devienne à la mode. Prêtre ou promoteur, "il vous faut choisir, me disait-on".
Un choix auquel le Lyonnais s'est refusé et qui explique pour partie qu'il n'a accédé à la prêtrise que l'année de ses quarante ans. "Ma vocation n'est pas une vocation tardive mais j'ai répondu tardivement...", s'amuse-t-il de sa voix douce. C'est le cardinal Decourtray qui débloqua la situation en le dispensant de séminaire pour qu'il puisse continuer à se consacrer pleinement à son action en faveur du logement.
- Du social dans le béton -
Dès ses débuts, lorsqu'il crée en 1982 son entreprise de promotion privée, Bernard Devert est déterminé à injecter du social dans le béton. L'immobilier est alors en plein boum. L'affaire se développe bien, emploie jusqu'à 25 personnes, avant que les banques ne lui demande d'adosser la société à un partenaire.
Relégué en position minoritaire, M. Devert choisit de vendre trois ans plus tard et de réinvestir cet argent dans le lancement d?une nouvelle structure, cette fois sans but lucratif, mariant Habitat et Humanisme, une tradition lyonnaise. Aujourd'hui, ce projet un peu fou est devenu une fédération coiffant une soixantaine d'associations en France et en Belgique.
Elle contrôle aussi deux foncières: la première appelée également Habitat et Humanisme qui possède 3.000 logements et la seconde, Entreprendre pour humaniser la dépendance, qui dispose de 2.000 lits pour personnes âgées dépendantes et de 250 logements adaptés pour personnes malades.
Elle gère enfin un fonds qui lui confère souplesse et réactivité pour aider à maintenir des familles dans leur logement. Ou avancer les 1,5 million d'euros nécessaires à l'édification des préfabriqués accueillant les Roms de Saint-Genis.
- Ne pas ajouter de la pauvreté à la pauvreté -
Contrairement aux autres spécialistes du logement social, Habitat et Humanisme s'est toujours refusé à investir dans les banlieues difficiles, pour ne "pas ajouter de la pauvreté à la pauvreté". L'association construit ses logements très sociaux dans les quartiers "équilibrés" ou les périphéries cossues, ce qui explique que nombre de ses projets ont été longs à sortir des cartons.
Mais avec la hausse de l'immobilier, son patrimoine bâti n'a fait que se revaloriser, un levier pour contracter de nouveaux emprunts et financer de nouveaux projets. "Cela ne nous a pas enrichis, non, mais cela nous a permis de mener nos actions." Rien qu'en 2015, l'association aura réussi à lever 18 millions d'euros.
Habitat et Humanisme est en effet un investissement sûr: ses foncières sont supervisées par l'Autorité des marchés financiers. Et l'association doit respecter des règles comptables strictes pour être éligible aux prêts super bonifiés de la Caisse des dépôts. Tout cela est "très bordé, très encadré", commente M. Devert.
Les investisseurs ne reçoivent pas de dividendes mais peuvent espérer une plus-value à la sortie, calculée sur la base de la valeur d'actif des foncières, qui progresse d'année en année. Avec, en sus, d'importantes déductions fiscales.
Au sein d'Habitat et Humanisme, Bernard Devert n'est qu'un simple bénévole parmi des milliers d'autres, avec pour seul avantage une voiture et un téléphone de fonction.
"Mais quelle joie quand j'ai vu rire le jour de Noël ces petits gamins", confie-t-il en désignant une poignée d'enfants Roms tapant dans un ballon.
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