Affaiblie depuis décembre, l'ancienne présidente de l'Académie Goncourt, lauréate de ce prestigieux prix littéraire en 1966, s'est éteinte dans une maison de convalescence de la ville qu'elle aimait tant.
François Hollande a rendu hommage à "la grande femme de lettres" qui a "toujours vécu pour la liberté". "D'une vie dans le siècle, elle a fait un extraordinaire roman de courage, d'engagement et de création", a souligné l'Elysée.
"La France perd une femme d'exception", a affirmé de son côté le Premier ministre Manuel Valls tandis que la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, Pascale Boitard, saluait la féministe "pour qui +vivre, c'est dire non+".
"J'ai beaucoup de chagrin parce que je l'admirais vraiment. J'aimais beaucoup cette femme, vraiment", a réagi de son côté Bernard Pivot, son successeur à la tête de l'Académie Goncourt depuis 2014.
Fille d'un diplomate, Edmonde Charles-Roux fut baignée dans la littérature dès son enfance. Son prénom Edmonde lui a été donné par ses parents en hommage à leur ami Edmond Rostand, décédé deux ans avant sa naissance en 1920.
Lorsque la guerre éclate, Edmonde Charles-Roux prépare un diplôme d'infirmière. Elle se porte volontaire pour accompagner les soldats. Elle fait preuve d'un courage physique extraordinaire. Blessée lors de combats en 1940, elle est décorée de la Croix de guerre, nommé caporal d'honneur de la Légion étrangère.
Démobilisée, c'est naturellement qu'elle rejoindra les rangs de la Résistance, aux côtés notamment des FTP communistes. Après le débarquement de Provence, elle rencontre le général de Lattre de Tassigny qui l'affecte à son état-major. Elle participe à la Libération de la France et sera blessée une seconde fois lors de l'entrée de la Ière armée française en Autriche.
- En rupture de ban -
Après la guerre, en rupture de ban avec son milieu d'origine, elle se lie avec nombre d'artistes comme Balthus, Giacometti, Colette, Orson Welles. Elle posera pour le peintre André Derain. Elle commence parallèlement une carrière de journaliste. A Elle d'abord, puis à l'édition française de Vogue dont elle devient la rédactrice en chef.
Elle est licenciée en 1966 pour avoir imposé une mannequin noire en couverture... et cultivé des amitiés trop à gauche au goût de ses patrons américains.
Mais 1966 n'est pas une année sombre. A l'automne, elle publie chez Grasset son premier roman, "Oublier Palerme". Le livre, soutenu par Aragon, reçoit le prix Goncourt.
Marseille tient à remercier sa concitoyenne. Le maire de la ville, Gaston Defferre, est chargé de lui remettre la médaille de la ville. Mais la cérémonie prend un tour inattendu. C'est le coup de foudre, irrésistible.
Gaston Defferre, alors âgé de 56 ans, est marié. Bravant les interdits de l'époque, les deux amants sont inséparables. Ils officialiseront leur union en 1973 seulement.
Edmonde Charles-Roux poursuit sa carrière de romancière toujours chez Grasset. Il y aura "Elle, Adrienne" en 1971, puis "L'irrégulière ou mon itinéraire Chanel" (1974), des livres sur l'aventurière Isabelle Eberhardt ("Un désir d'Orient" en 1988 et "Nomade j'étais" en 1995).
En 1983, elle rejoint l'Académie Goncourt. C'est elle qui imposera le Goncourt des Lycéens et le Goncourt du premier roman. Elle prend la présidence de l'Académie en mars 2002 jusqu'en 2014. Elle laisse son "couvert" à Eric-Emmanuel Schmitt en janvier.
Jusqu'au bout, elle est restée une grande dame des Lettres ne maniant jamais la langue de bois. Souffrante, une de ses dernières volontés est de quitter Paris pour Marseille, "sa" ville. Elle continuait de prendre des nouvelles des Goncourt, a confié un de ses proches, le poète Julien Blaine.
Elle était "très diminuée" ces derniers temps, a précisé le député socialiste des Bouches-du-Rhône Patrick Mennucci pour qui "elle incarnait une fidélité" aux idées socialistes après la mort de Gaston Defferre.
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