Le salarié d'Air France Industries (maintenance), mis à pied à titre conservatoire depuis le 16 octobre sans solde, reste sous le coup d'une procédure de licenciement pour faute lourde. Mais il s'agit d'un accroc pour la direction, contrainte de lever la sanction disciplinaire.
Après les débordements du 5 octobre, quatre autres employés d'Air France ont été licenciés. Le délégué CGT bénéficie d'un statut protégé en sa qualité de délégué du personnel: la loi prévoit que l'inspection du travail soit saisie.
Tous les cinq sont en outre poursuivis pour violence le 27 mai au tribunal correctionnel de Bobigny.
Air France "va former sans délai un recours hiérarchique auprès du ministère du Travail", conformément à ce que prévoit le Code du travail, a indiqué à l'AFP un porte-parole.
Dans sa décision, dont l'AFP a obtenu copie jeudi, l'inspectrice du travail indique que les "faits invoqués pris dans leur ensemble ne permettent pas d'établir l'existence d'une faute lourde commise par le salarié, caractérisant son intention de nuire" à la compagnie.
La direction avait soulevé trois griefs: l'agression physique du DRH, de deux vigiles et le "retentissement médiatique extrêmement important, affectant l'image et la réputation d'Air France en France et à l'étranger".
Les images de M. Broseta fuyant le 5 octobre des manifestants en colère en escaladant un grillage, la chemise déchirée, avaient fait le tour du monde et entraîné un flot de réactions politiques, le Premier ministre, Manuel Valls, qualifiant de "voyous" les auteurs de l'agression.
Avec le recours, l'affaire prend à nouveau une dimension politique, quelques jours après la prise de fonction de Gilles Gateau, ancien conseiller social de Manuel Valls à Matignon, au poste de DRH.
"La nouvelle direction des ressources humaines ne peut cautionner les anciennes méthodes", a prévenu Mehdi Kemoune, numéro deux de la CGT Air France.
Le recours n'étant pas suspensif, la compagnie doit au plus vite réintégrer le salarié et lui payer le salaire non perçu depuis sa mise à pied, a-t-il précisé.
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, dispose de 4 mois pour se prononcer. En annulant la décision de l'inspection du travail, elle validerait le licenciement.
- 'Bousculade généralisée' -
L'inspectrice du travail rejette point par point les accusations de la direction, les jugeant infondées ou pas assez étayées.
Air France soupçonne le représentant du personnel d'avoir "poussé et bousculé un salarié" en direction de M. Broseta? Dans la "bousculade généralisée", "il est impossible de déterminer avec certitude" s'il "bouscule des salariés volontairement, ou s'il est lui-même chahuté".
La victime elle-même "a admis ne pas être en mesure de reconnaître" le délégué "comme étant l'auteur des faits reprochés", poursuit l'inspectrice.
La direction reproche également au salarié d'avoir "agressé un des vigiles en le poussant violemment, entraînant sa chute brutale, ainsi que celle de Monsieur Broseta et de l'autre vigile".
L'inspection du travail ne conteste pas la scène mais son interprétation puisque, selon elle, les images télévisées avancées comme preuve ne permettent pas "de déduire la force de la poussée" et "qu'en conséquence, son caractère violent ne peut être établi".
Très à charge, la décision de l'inspection du travail relève par ailleurs une violation par Air France du code de sécurité intérieure, lequel interdit "l'intervention des entreprises de sécurité privée dans les conflits au travail".
En faisant appel à des vigiles extérieurs, "l'employeur a contribué à instaurer un climat de défiance propice à la confrontation", selon elle.
La CGT a annoncé à l'AFP son intention d'assigner en justice la compagnie sur ce motif. Selon le syndicat, son délégué a également porté plainte pour la même raison, en début de semaine, contre un des vigiles.
Elle a aussi demandé que "les quatre autres soient de fait réintégrés" car l'inspection du travail "confirme qu'ils ont été pris pour l'exemple", a commenté M. Kemoune.
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Le licenciement est caduc même avec l'intervention du Ministre du Travail.
En effet, un licenciement pour faute grave ou lourde doit se faire dans un délai maximum de 6 jours entre la mise à pied à titre conservation et la convocation à l'entretien préalable.
En l'espèce, vous avez une mise à pied qui date depuis le 16 octobre 2015 ce qui signifie que le licenciement doit être requalifié en mise à pied disciplinaire.
La jurisprudence est formelle : Cour de cassation, chambre sociale, 30 octobre 2013, n° 12-22962 (la mise à pied conservatoire d’une durée de 6 jours doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire lorsque l’employeur n’a aucun motif pour justifier ce délai)