Dans les rues enneigées de ce village huppé du canton des Grisons (Suisse), les patrouilles sont plus nombreuses que les années précédentes, promenant quelques museaux noirs de fusils, entre des blocs de béton barrant la route d'accès au centre de conférences.
Les organisateurs ont sensiblement renforcé la sécurité pour limiter les risques d'attentats contre cette assemblée regroupant jusqu'à samedi 2.500 des plus importants décideurs de la planète, chefs d'Etat ou de gouvernement, ministres, chefs d'entreprises, ou artistes comme Leonardo di Caprio, arrivé mardi.
Dans ce palais des congrès aux fenêtres rares se croisent des présidents comme le Rwandais Paul Kagame ou des grands patrons comme Pol Polman d'Unilever répondant en français à des questions d'un journaliste brésilien, tandis qu'à quelques pas de là, un robot sud-coréen montre comment il arrive à se saisir de planches et de parpaings, filmé par de nombreux participants.
Le thème officiel de ce remue-méninges mondial est la quatrième révolution industrielle qui pourrait transformer l'économie mondiale, mais "comme souvent à Davos, le sujet se fait pirater par les évènements mondiaux, et ce qui retient l'attention de tout le monde est ce qui se passe en Chine, où la croissance ralentit", estime le chef économiste du cabinet britannique IHS, Nariman Behravesh.
Pékin a publié mardi son chiffre de croissance 2015, qui est au plus bas depuis 25 ans (6,9%). Le ralentissement chinois et la méforme des pays émergents pèse sur l'augmentation du PIB mondial, et plus généralement c'est toute l'économie du globe qui menace de "dérailler", a prévenu mardi le Fonds monétaire international.
Ce contexte tendu influence aussi les marchés financiers qui connaissent une période de grande volatilité, et les cours du pétrole et des matières premières qui sont au plus bas.
"Les prix sont détruits" n'a pu que constater un grand PDG dans une séance fermée à la presse, et sur le pétrole "nous n'attendons pas beaucoup de l'Opep qu'ils agissent pour faire remonter les prix", a ajouté un ministre assis à ses côtés.
Pour M. Behravesh, un habitué du World economic forum de Davos, il sera beaucoup question de la manière dont les autorités chinoises gèrent ce ralentissement. Elles "se sont plantées", estime-t-il, même si personne ne le dira à la tribune.
"Nous savons tous qu'il y a le Davos public, qui est différent du Davos privé. C'est dans le Davos privé qu'ils vont en parler. Dans le Davos public, ils n'en parleront évidemment pas", selon lui.
Le président du groupe bancaire UBS Axel Weber a estimé pour Bloomberg TV que si certaines de ses actions pour calmer les marchés "étaient un peu à contretemps" et "un peu improvisées", le géant économique a encore "plein de munitions" pour stabiliser l'économie.
Pour le PDG du groupe publicitaire britannique WPP, "pour un patron, les principaux risques actuels sont la Chine, le pétrole et l'Arabie saoudite, les migrations en Europe et ailleurs, la politique américaine (où il y aura un scrutin présidentiel en novembre), le Brexit".
- Chaudron coréen, autoroute libyenne -
Davos oblige, géopolitique et diplomatie sont aussi haut placées à l'ordre du jour.
De la crise coréenne ("un chaudron bouillonnant" pour un ancien responsable de l'Otan, James Stavridis) aux attentats jihadistes en passant par le groupe Etat islamique (EI) ou le cyber-terrorisme, toute une série de sujets d'inquiétudes vont y passer pendant ces quelques jours.
En Libye, pays divisé, déchiré par les violences et sous la menace croissante des groupes jihadistes, ces derniers peuvent avoir "une autoroute qui les conduirait jusqu'au Mali, à Boko Haram", a dit un participant à une séance consacré au monde arabe. "C'est bien plus sérieux qu'une simple affaire libyenne".
"Ce qui se passe au Yémen, est une photocopie de ce qui s'est passé en Libye", où l'Etat s'est effacé au profit de factions, a mis en garde un autre participant, en référence aux violences qui secouent ce pays, sur fond de pression croissante d'Al-Qaïda et de l'EI.
La directrice générale du FMI Christine Lagarde a, elle, présenté un rapport plaidant pour une intégration "rapide" des migrants au marché du travail sans toutefois nier l'ampleur de la tâche.
James Stavridis a aussi mis en garde contre le risque cybernétique "la face sombre de la mondialisation"
"Super, nous allons tous être très interconnectés ! Il y aura beaucoup de transparence, mais la vulnérabilité va avec", mettant en garde contre le risque asymétrique venant d'organisation terroristes et le risque de guerre froide cybernétique.
"Nous ne pouvons pas nous permettre de tomber dans une cyber-guerre froide, mais je crains que ce soit ce vers quoi nous allons".
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