"Il est décédé à Choisel et c'était sa volonté: il voulait mourir dans sa bibliothèque. Il sera enterré au cimetière, derrière chez lui, sous un arbre qu'il avait choisi", explique à l'AFP Alain Seigneur, le maire de cette commune aussi huppée que reculée, dans la vallée de Chevreuse, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Paris.
L'auteur de "Vendredi ou les limbes du Pacifique" en était "tombé amoureux" à la fin des années 50, en y passant d'abord ses week-ends à l'auberge, avant d'acquérir le presbytère, dans "un cadre apaisant pour pouvoir écrire" situé au coeur du village, ouvert aux voisins et, parfois, à quelques sommités.
"Tout le monde le connaissait. Il était discret, mais abordable. On pouvait discuter avec lui de littérature, ou d'autre chose", poursuit M. Seigneur, en rappelant que l'écrivain avait pris l'habitude de fréquenter les établissements scolaires environnants pour donner des conférences. "Il aimait passer la culture à la jeunesse, et raconter sa façon de travailler, comment sa vie se déroulait."
Il y a une vingtaine d'années, un voisin, Yannick Gouriou, l'avait timidement abordé pour lui proposer de venir parler de sa littérature aux enfants de l'hôpital pédiatrique qu'il dirige. "Il m'a rappelé dès le lendemain, une amitié entre nous est restée", raconte celui qui a encore rendu visite à l'écrivain quelques heures avant sa mort.
"Il me parlait de ses livres, de sa vie, de ses voyages, de son père, gueule cassée, ou du prix Goncourt", que Tournier a reçu en 1970 pour "Le Roi des aulnes", et dont il a été un membre influent de l'académie jusqu'en 2009. "Il me relisait ses carnets, qu'il n'avait jamais loin, me disait qu'il prenait des notes après ses différentes rencontres", souligne Yannick Gouriou, qui se rappelle "un homme qui aimait surtout la vie".
- Visité par François Mitterrand -
Au presbytère, quelques invités de marque se sont parfois précipités: de nombreux photographes, l'autre grande passion de Tournier; Bernard Pivot, avec qui il travaillait sur la réédition de ses oeuvres dans la prestigieuse Bibliothèque de La Pléiade; ou le président François Mitterrand, visiteur occasionnel de Choisel.
"Il était surtout extrêmement ouvert, toujours prêt à prêter du matériel, son jardin, ou sa maison", sourit un autre voisin et ami de toujours, l'avocat parisien Jean Reinhart.
"Il faisait partie des meubles, à Choisel. C'était un réservoir d'histoires, qu'il enrichissait, qu'il embellissait. Mais il n'était pas si égocentré que ça: il s'intéressait aux autres, à ses amis, à leurs enfants", confie l'ami, qui décrit un "homme simple, accessible, souriant".
Une mauvaise chute sur le plateau d'une émission de télévision, en 2007, avait marqué le début d'un lent déclin physique, obligeant l'écrivain à renoncer aux voyages, ponctuations jusqu'alors indispensables à sa vie.
"Il était alors pressé d'en finir. Il y a plusieurs années qu'il m'avait dit: +Un matin quand tu te réveilleras et que tu entendras que je suis décédé, sache qu'il y aura un homme heureux, ce sera moi!+", se rappelle Yannick Gouriou.
"L'épitaphe de sa pierre tombale, c'est +Je t'ai adorée, tu me l'as rendu au centuple, merci la vie!+. Les derniers mois, presque à chaque visite, il me disait en arrivant: +Tu te souviens de mon épitaphe?+ Alors je la lui récitais et il était content."
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.