Mme Tsai, qui dirige la principale formation d'opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP), était en tête du scrutin avec 58,1% des voix, selon un comptage portant sur plus de 50% des bulletins de vote diffusé par la télévision taïwanaise FTV.
Eric Chu, le candidat du Kuomintang (KMT), qui mène depuis huit ans une politique inédite de réchauffement avec Pékin sous l'égide de Ma Jing-jeou, arrivait loin derrière avec 32,5% des suffrages.
L'outsider conservateur James Soong, 72 ans, président du Parti du peuple d'abord, un mouvement favorable à Pékin, recueillait lui 9,4%, selon ce comptage.
Mme Tsai, une ancienne universitaire de 59 ans, a vraisemblablement bénéficié du malaise croissant suscité par les relations bilatérales avec Pékin et de la frustration d'une partie des 18 millions d'électeurs face à la stagnation économique.
Samedi soir, la foule commençait à se rassembler à Taipei au quartier général du PDP, beaucoup plus méfiant envers Pékin. "La Chine n'a pas le droit de revendiquer Taïwan et c'est ce que nous voulons dire au monde", a lancé Angela Shi, une électrice venue spécialement de San Francisco où elle habite pour voter.
Le dégel des relations avec Pékin avait culminé fin novembre avec le premier sommet depuis la violente séparation de la Chine continentale et de l'île de Taïwan il y a plus de 60 ans.
Malgré la signature d'accords commerciaux et un boom touristique à Taïwan, nombre d'habitants estiment qu'en étant devenue dépendante économiquement de Pékin, l'île a perdu de son identité et de sa souveraineté.
Beaucoup estiment aussi être les laissés-pour-compte d'une politique qui n'a profité qu'aux grandes entreprises.
Mais c'est le sort de Chou Tzu-yu, chanteuse taïwanaise de variété K-pop de 16 ans, qui a dominé les débats samedi: les principaux candidats sont montés au créneau pour la défendre après qu'elle eut été contrainte de présenter ses excuses pour avoir agité un drapeau taïwanais et déplu à certains internautes chinois.
Le territoire vit sa propre destinée depuis 1949, lorsque les nationalistes du KMT s'y étaient réfugiés après avoir été vaincus par les communistes. Après la mort de Chiang Kai-shek en 1975, Taïwan s'est démocratisée peu à peu.
La Chine considère toujours Taïwan comme une partie intégrante de son territoire qu'elle peut reprendre par la force le cas échéant.
- Mise en garde de Pékin -
Certains électeurs craignent une victoire de Mme Tsai. "Si elle n'arrive pas à gérer la situation et que c'est l'escalade des tensions, personne ne sera gagnant", a lancé Yang Chin-chun, commerçant de 78 ans à Nouveau Taipei, bastion du KMT.
La candidate a expliqué que Taipei doit mettre fin à la dépendance économique envers Pékin et qu'elle écoutera l'opinion publique en ce qui concerne les relations bilatérales.
Signe de son pragmatisme, elle a pris soin de souligner que le "statu quo" serait maintenu, mettant beaucoup d'eau dans le vin du discours traditionnellement indépendantiste du PDP.
Un consensus tacite conclu en 1992 entre Pékin et Taipei veut qu'il n'y ait qu'"une seule Chine" et laisse à chaque partie le loisir d'interpréter cela comme elle l'entend.
Il s'agit de tranquilliser Pékin mais aussi les Etats-Unis, principal allié de Taipei, qui craignent pour la stabilité de la région.
Mme Tsai sait que la grande majorité des électeurs veulent aussi la paix alors que le PDP n'a jamais reconnu ce consensus.
La Chine a d'ores et déjà averti qu'elle ne traiterait pas avec un dirigeant qui ne reconnaîtrait pas que Taïwan fait partie d'"une seule Chine".
La plupart des experts estiment inévitable une certaine dégradation des relations. Mais ils pensent qu'un retour éventuel de bâton ne sera pas immédiat, car s'aliéner Taïwan irait à l'encontre du but ultime de Pékin, la réunification.
"Les relations vont être plus compliquées, moins prévisibles. Elle vont se détériorer mais l'intérêt de Pékin c'est de maintenir Taïwan dans la dépendance économique", estime Jean-Pierre Cabestan, de l'Université baptiste de Hong Kong.
Si la victoire de Mme Tsai se confirmait, elle offrirait à son parti sa deuxième présidence depuis les deux mandats de Chen Shui-bian (2000-2008).
Le PDP espère bien aussi surfer sur l'insatisfaction des Taïwanais pour en outre remporter, et pour la première fois, la majorité des 113 sièges au Parlement monocaméral aux législatives qui se déroulaient le même jour.
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