Dans un coup de théâtre de dernière minute, le président régional sortant Artur Mas a cédé samedi aux pressions de ses détracteurs et renoncé à briguer un nouveau mandat. Le retrait de sa candidature a permis la formation d'une coalition de gouvernement, qui va des conservateurs à la gauche anticapitaliste, décidée à profiter de sa majorité absolue au parlement régional pour proclamer d'ici 18 mois l'indépendance de la Catalogne.
Dimanche soir, les députés indépendantistes confirmeront Carles Puigdemont, 53 ans, pour succéder à Artur Mas, aux termes d'un compromis entre les formations sécessionnistes. Membre du même parti qu'Artur Mas, M. Puigdemont, journaliste de langue catalane, est peu connu en dehors de Gérone, une ville de 97.000 habitants à 100 km au nord de Barcelone, dont il est maire depuis 2011.
"Nous avons un projet en marche, solide et qui va dans la bonne direction", a-t-il commenté sur son compte twitter après l'accord in extremis qui permet aux indépendantistes de reprendre leur bras de fer avec Madrid.
La loi accordait aux parlementaires catalans jusqu'à dimanche à minuit, pour investir un président de gouvernement.
Les indépendantistes regroupent leurs forces alors qu'à Madrid les élections législatives du 20 décembre ont laissé un parlement fragmenté, où les conservateurs du chef du gouvernement sortant Mariano Rajoy ont perdu la majorité absolue et cherchent en vain des partenaires pour former une coalition.
"La coalition indépendantiste profite du vide de pouvoir à Madrid", titrait dimanche le journal conservateur en ligne El Español.
Face à la rébellion de la plus riche région d'Espagne, le cabinet de M. Rajoy a insisté samedi sur la nécessité pour le "prochain gouvernement d'Espagne de compter sur une large base parlementaire qui garantisse la stabilité et la capacité (de) faire face au défi indépendantiste".
M. Rajoy espère parvenir à un accord avec le Parti socialiste (PSOE), deuxième force politique en Espagne, et avec le parti libéral Ciudadanos, opposés comme lui à l'indépendance de la Catalogne.
Le PSOE vise en revanche une alliance avec la gauche radicale de Podemos et des partis nationalistes en Catalogne et au Pays basque. Mais les indépendantistes lui compliquent encore la tâche.
"Comment allons nous expliquer que nous arrivions au pouvoir avec l'aide de ceux qui visent l'indépendance en quelques mois ?", a confié un dirigeant socialiste au journal numérique de gauche El Diario.
- Eviter de nouvelles élections -Le
Les indépendantistes veulent mettre en oeuvre le programme avec lequel ils ont remporté la majorité absolue de 72 sièges sur 135 au parlement régional, avec 47,8% des voix, le 27 septembre dernier.
Dès novembre, ils avaient adopté une résolution proclamant le début du processus de sécession et l'insoumission aux institutions de l'Etat espagnol.
Mais leur plan avait failli échouer en raison du désaccord entre les 62 députés de la coalition "Junts pel si" (Ensemble pour le oui), formée par Artur Mas, et les 10 députés anticapitalistes de la Candidature d'unité populaire (CUP). La petite formation d'extrême gauche refusait de reconduire Artur Mas à la tête du gouvernement, lui reprochant quatre ans de politique d'austérité et la corruption de son parti.
Le retrait de M. Mas permet d'éviter la convocation de nouvelles élections, les quatrièmes depuis 2010 en Catalogne, où les indépendantistes risquaient de perdre leur toute nouvelle majorité.
"Ils savent que s'il y avait de nouvelles élections, leur projet échouerait lamentablement", a commenté Inès Arrimadas, leader de Ciudadanos en Catalogne.
Le pacte conclu entre la CUP et "Junts pel si" garantit la stabilité du nouveau gouvernement régional parce que les anticapitalistes se sont engagés à ne jamais laisser la coalition seule face aux 63 députés de l'opposition.
Le parlement doit voter vers 20H00 GMT l'investiture de Carles Puigdemont, qui devra former ensuite son cabinet. Les premières lois qu'il devra présenter portent sur la création d'administrations fiscale et de sécurité sociale pour la Catalogne.
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