"Cette histoire m'a touchée", explique-t-elle. Elle ne l'a acheté que "très occasionnellement" et ne l'avait quasiment jamais lu avant la tuerie, mais aujourd'hui, pour l'anniversaire, elle l'achète "par solidarité".
Si quelques clients repartaient avec le numéro 1224 de "Charlie" sous le bras, avec en Une un Dieu armé, à la barbe tachée de sang, la foule n'était pas au rendez-vous dans la plupart des kiosques pour ce numéro tiré à près d'un million d'exemplaires.
"Evidemment, ce n'est pas la même chose qu'en janvier dernier, où il y avait la queue sur plusieurs dizaines de mètres. Mais ça marche assez bien quand même", remarque Akkayan dans son kiosque marseillais, vers 09H00.
Ce numéro spécial rendait hommage mercredi aux collaborateurs de Charlie Hebdo et aux policiers tombés sous les balles des jihadistes, ainsi qu'aux morts de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes.
"Charlie, c'est l'insolence érigée en vertu et le mauvais goût en principe d'élégance", saluait la ministre de la Culture dans les pages du journal.
Les auteures Marie Darrieusecq et Taslima Nasreen, les actrices Juliette Binoche et Isabelle Adjani, entre autres, ont aussi écrit un billet de soutien dans les colonnes du journal satirique, fondé en 1970 et relancé en 1992.
Dans une rue piétonne du centre de Bordeaux, au tabac-presse Le Pacha, seuls deux lecteurs avaient réservé leur journal, sans commune mesure avec l'engouement du premier numéro après l'attentat l'an dernier.
"Certains en ont entendu parler mais ce n'est pas la ruée", assure le kiosquier bordelais.
- 'Dieu n'est pas abonné à Charlie' -
Mercredi à 09h00, une dizaine d'exemplaires avaient été vendus, contre 3 ou 4 en moyenne les semaines habituelles. "Mais je pense qu'on va les vendre tous petit à petit durant la semaine", espère le kiosquier.
Dans un dossier intitulé "Laïcité, la belle fille qui ne voulait pas se laisser lapider", ou "Dieu n'existe pas: il ne s'est pas abonné à Charlie", l'équipe du journal réaffirmait aussi mercredi ses convictions, laïques, anticléricales et profondément athées.
"C'est l'idée même de Dieu que nous, à Charlie, on conteste", a martelé le patron de Charlie Hebdo, Riss, dans un entretien à l'AFP.
"En affirmant les choses clairement, ça fait réfléchir. Il faut un peu bousculer les gens, sinon ils restent sur leurs rails".
"Mais ? Je n'ai rien fait, moi!" répondait un Dieu caricaturé dans le magazine catholique Pélerin, daté de jeudi.
"J'adore cette Une. Je ne l'achetais pas avant, mais je l'ai pris plusieurs fois cette année. C'est plutôt bien d'être mal à l'aise en le lisant. Autrement, il y a une espèce de chape de plomb qui s'installe sur la société", assurait Francis, 53 ans, après avoir pris son exemplaire au kiosque à Paris.
Charlie vend environ 80.000 exemplaires en kiosque chaque semaine et a gagné 200.000 abonnés après l'attentat.
L'enjeu des prochains mois sera de voir si ces nouveaux lecteurs restent fidèles au journal, avec ses prises de position militantes et son humour tranchant.
Sur la Canebière, Pierre et Marie faisaient un peu plus grise mine dans leur kiosque. "Ca marche mal", explique Pierre, "on est venus plus tôt, vers 06H30, pour ça, et on en a vendu une dizaine seulement sur les 180 reçus. C'est juste un peu mieux qu'un numéro classique", assure-t-il.
Le kiosque de Saint-Germain-des-Prés, dans le centre de Paris, l'un des plus fournis de France, où Cabu et Wolinski achetaient leur journal chaque matin, avait reçu plus de 500 exemplaires de "Charlie" et en avait vendu une vingtaine au petit matin, moins qu'espéré.
Il y a un an, pour le numéro des survivants, il en avait vendu plus de 1.000 en une journée.
"Une fois que l'émotion s'est essoufflée, Charlie Hebdo est devenu une sorte de marque pour les touristes américains, asiatiques ou scandinaves qui venaient nous prendre une carte postale et un Charlie Hebdo. J'ai aussi vu quelques clients acheter à la fois Valeurs Actuelles et Charlie Hebdo, ce qui était plutôt rare avant", notait le kiosquier de Saint-Germain.
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