Trois mois et demi après l'éclatement aux Etats-Unis du scandale des véhicules diesel équipés d'un logiciel truqueur, le département américain de la Justice et l'agence de l'Environnement (EPA) ont jeté lundi un pavé dans la mare en saisissant la justice contre le géant de l'automobile.
"L'implication du département de la Justice souligne que les autorités américaines perdent patience avec Volkswagen (...) et veulent frapper fort", explique à l'AFP l'expert automobile Ferdinand Dudenhöffer.
Ce nouveau rebondissement fait craindre à certains que les autorités américaines n'imposent au constructeur des pénalités bien supérieures à celles escomptées jusqu'ici: la presse évoquait un chiffre pouvant aller jusqu'à 90 milliards de dollars (84 milliards d'euros). Résultat: l'action Volkswagen, qui avait repris ces dernières semaines une partie du terrain cédé à l'automne, chutait lourdement à Francfort (-4,11% à 121,11 euros à GMT).
Ces 90 milliards correspondraient selon Holger Schmidt, analyste d'Equinet, au "maximum arithmétique" si la justice américaine appliquait les pénalités maximales pour tous les chefs d'accusation retenus. "Le montant devrait être bien plus bas", s'empresse-t-il d'ajouter.
- "fantaisistes" -
"Ces chiffres sont complètement fantaisistes", estime aussi M. Dudenhöffer.
Jusqu'à présent, le scénario le plus pessimiste pour le constructeur de Wolfsburg (nord) faisait état d'environ 18 milliards de dollars d'amende.
"Les Etats-Unis veulent très clairement faire exemple avec cette affaire", analyse le professeur Stefan Bratzel, directeur du Center of Automotive Research de Bergisch Gladbach, "mais il est fort peu probable que la pénalité maximale soit infligée à Volkswagen".
Il juge tout chiffre "hautement spéculatif" à l'heure actuelle, mais estime que l'amende finale aux Etats-Unis ne devrait probablement pas excéder les dix milliards de dollars.
A cette somme viendraient s'ajouter les dommages et intérêts obtenus par les clients américains du constructeur, potentiellement en milliards de dollars également.
Le groupe a recruté Kenneth Feinberg, un avocat de renom, pour l'aider à gérer les recours collectifs déposés par de nombreux automobilistes en Californie.
En Europe Volkswagen devrait commencer ce mois-ci le gigantesque rappel de 8,5 millions de véhicules pour un coût relativement modeste, estimé à 500 millions d'euros. Mais le constructeur est encore loin d'un accord avec les autorités américaines, qui ont fait éclater le scandale.
"Les normes anti-pollution américaines sont nettement plus sévères que les normes européennes, et les solutions techniques simples et peu coûteuses mises en place en Europe ne suffiront pas outre-Atlantique", explique M. Bratzel.
- "rachat pur et simple" -
Dans le cas le plus défavorable, "une solution technique pourrait s'avérer trop onéreuse et Volkswagen se verrait obligé de procéder au rachat pur et simple des véhicules affectés", juge-t-il.
Alors que les autorités américaines reprochent par ailleurs au géant aux douze marques d'avoir joué la montre, "il n'est pas à exclure que l'EPA impose à Volkswagen un délai pour trouver une solution au problème". Faute de quoi, le constructeur se verrait dans l'obligation de retirer de la circulation près de 600.000 véhicules.
Le numéro un européen n'a pas directement réagi à la nouvelle offensive des autorités américaines, préférant souligner sa bonne volonté.
"Nous examinons actuellement la plainte", a déclaré Eric Felber, un porte-parole du constructeur, ajoutant que VW "coopèrait étroitement" avec les autorités américaines.
Le nouveau patron du groupe, Matthias Müller, sera aux Etats-Unis la semaine prochaine et devrait rencontrer "des dirigeants politiques", indique le constructeur sans donner davantage de détails.
Le "dieselgate" a éclaté en septembre aux Etats-Unis et s'est répandu à travers le monde: au total 11 millions de véhicules VW ont été équipés d'un logiciel permettant de fausser les tests antipollution.
Les ventes ont commencé à pâtir du gel de la commercialisation des modèles concernés, au point que Volkswagen a officiellement renoncé à la couronne de premier constructeur mondial, portée par le japonais Toyota, et qu'il convoitait jusqu'ici.
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