Sur la piste de Toulouse-Blagnac, il parvenait ce jour-là à décoller avec le premier prototype, baptisé 001, de l'avion supersonique franco-anglais. Le pilote était aussi aux commandes quand le Concorde a franchi pour la première fois le mur du son, le 1er octobre 1969.
Inlassable promoteur du supersonique, André Turcat avait pris sa défense après l'accident de l'appareil à Roissy en juillet 2000, qui avait fait 113 morts, allant jusqu'à témoigner à la barre en 2010.
Il est mort à son domicile dans la région d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), a appris l'AFP auprès de sa famille mardi.
Géant au crâne chauve, au regard clair, surnommé "le Grand Turc" par ses collaborateurs, ce pionnier de l'aéronautique moderne s'était fait une spécialité de battre les records, notamment en devenant en 1954 à bord de l'avion expérimental "Gerfaut I", le premier pilote européen à franchir le "mur du son" en palier.
En 1957, sur le "Gerfaut 2", il bat plusieurs records du monde de vitesse ascensionnelle (6.000, 8.000 et 12.000 mètres) et en 1959, sur le "Griffon 2", il établit le record mondial de vitesse en circuit fermé sur cent kilomètres, à la moyenne de 1.640 km/h.
Ses essais sur les vols à Mach 2 (deux fois la vitesse du son) et ses travaux sur le stato-réacteur lui valent, en 1959, de recevoir des mains du vice-président Richard Nixon le Harmon Trophy, la plus haute récompense aéronautique américaine.
Titulaire de plus de 6.000 heures de vol, il est aussi commandeur de la Légion d'honneur, grand officier de l'Ordre national du mérite et commandeur de l'Empire britannique.
- "Moments historiques" -
Né le 23 octobre 1921 à Marseille (Bouche-du-Rhône) dans une famille de constructeurs d'automobiles, André Turcat sort de l'Ecole Polytechnique en 1942. Officier de l'Armée de l'air, breveté pilote en 1947, il se retrouve chef d'opérations en Indochine.
Nommé en 1952 directeur de l'Ecole du personnel navigant d'essai de l'Armée de l'air, il entre, l'année suivante, comme chef pilote d'essais à la SFECMAS, absorbée bientôt par Nord-Aviation. C'est alors qu'il met au point les "Gerfaut" et le "Griffon".
A Sud-Aviation (devenu Aérospatiale puis EADS) de 1964 à 1976, il devient directeur des essais en vol du Concorde.
A ce titre en 1973 au salon du Bourget, après une démonstration spectaculaire du Concorde, André Turcat est convié à bord du Tupolev-144, son concurrent soviétique surnommé "Concordski", mais le Français repousse l'invitation. Quelques instants plus tard, l'avion russe s'écrase en flammes après un décollage à pleine puissance, tuant les six membres d'équipage et huit personnes au sol.
Ce gaulliste convaincu avait occupé le poste de conseiller pour les affaires industrielles et les technologies de pointe au secrétariat général du RPR. Adjoint au maire de Toulouse de 1971 à 1977, il fut aussi député au Parlement européen de 1980 à 1981.
En 1983, il contribue au lancement de l'Académie nationale de l'Air et de l'Espace à Toulouse. Il devient aussi docteur ès-lettres en histoire de l'art en 1990 et licencié de théologie catholique en 2003.
Père de trois enfants, André Turcat avait raconté l'aventure du Concorde dans plusieurs ouvrages, dont "Concorde, essais et batailles", et a aussi écrit ses mémoires, intitulées "Pilote d'essais".
A l'occasion des 30 ans du premier vol de l'appareil en 1999, il avait raconté à l'AFP avoir à l'époque eu "en permanence l'impression de vivre des moments historiques".
"Nous avons dû nous révolutionner, changer nos méthodes de travail et nos façons d'aborder les essais en vol", expliquait-il. "Sur une Caravelle, on enregistrait 300 paramètres différents lors des essais. Avec le Concorde, on est passé à 3.000 paramètres qui ont permis de densifier les analyses, les statistiques et de recueillir des données capitales pour la suite de l'histoire de l'industrie."
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