Dans un contexte de fortes tensions entre le pouvoir chaviste (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013) et l'opposition, les 167 députés élus le 6 décembre doivent prendre leurs fonctions mardi. Pour la première fois depuis 1999, la coalition d'opposition, réunie sous le nom de Table de l'unité démocratique (MUD), aura la majorité, avec deux tiers des sièges (112) au Parlement unicaméral du Venezuela.
Le climat d'instabilité politique s'est renforcé ce week-end avec les appels à manifester mardi en provenance des deux bords, faisant craindre des violences.
Mais la tension est retombée d'un cran, dans la nuit de lundi à mardi, le président Maduro ayant garanti une prise de fonction "pacifique" des nouveaux députés.
"J'ai donné des ordres formels au ministre de l'Intérieur Gonzalez Lopez pour que toutes les mesures soient prises pour garantir une installation pacifique de l'Assemblée nationale, en toute tranquillité", a déclaré lundi soir Nicolas Maduro lors d'un discours retransmis à la télévision.
Ces déclarations apparaissent comme un signe d'apaisement après des semaines d'escalade.
Cependant, les nouveaux députés prennent leurs fonctions dans une insécurité juridique, après la décision du Tribunal suprême de justice (TSJ), la plus haute autorité judiciaire du pays, de suspendre l'élection de trois députés de l'opposition et d'un chaviste dans l'Etat d'Amazonas (sud).
Cette décision polémique intervient à la suite du recours déposé par le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) du président Maduro. Elle prive, au moins provisoirement, l'opposition de sa majorité des deux tiers au Parlement, ces quatre députés ne pouvant en théorie pas siéger.
- Le rôle clé de l'armée -
Or, cette majorité qualifiée donne au camp politique qui la détient de larges prérogatives, dont celles de convoquer un référendum, de mettre en place une assemblée constituante, voire d'entraîner, via une réduction de la durée de son mandat, le départ anticipé du président.
Cela n'a pas empêché l'opposition d'élire dès dimanche Henry Ramos Allup, un antichaviste farouche, nouveau président du Parlement. Celui qui remplacera le numéro deux du régime, Diosdado Cabello, a aussitôt assuré que les 112 députés de l'opposition seraient présents mardi.
"Aucune décision bureaucratique et encore moins celle prise par un corps absolument dépourvu à l'origine de légitimité ne peut perturber, ni faire échouer ou voler la volonté populaire", a déclaré cet avocat de 72 ans, direct et sarcastique.
Dans la foulée du recours contre ses députés, l'opposition avait dénoncé auprès de l'ONU et l'Union européenne un "coup d'Etat judiciaire" du parti majoritaire.
Lundi soir, le même Henry Ramos Allup s'est dit convaincu que les forces armées, sur qui tous les yeux sont braqués, allaient garantir le bon déroulement de la cérémonie d'installation du pouvoir législatif.
De son côté, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino, a exigé que l'armée soit maintenue en dehors de cet affrontement entre les pouvoirs exécutif et législatif, soulignant qu'elle n'était pas "l'arbitre des décisions du TSJ".
Selon Diego Moya-Ocampos, expert du cabinet IHS, l'installation de l'Assemblée démontre "le climat de confrontation" qui "marquera les dynamiques politiques de 2016, où les forces armées joueront un rôle clé" dans un Venezuela plongé dans une profonde crise économique, à cause de la chute des cours de pétrole, dont le pays possède les plus importantes réserves au monde.
Parmi les autres mesures prises par le pouvoir chaviste pour limiter la marge de manoeuvre de l'opposition, les députés ont approuvé le 23 décembre, durant la dernière session du parlement chaviste, la nomination de 34 magistrats du TSJ. La MUD conteste leur légalité.
Ces nominations sont d'autant plus sensibles que le TSJ sera chargée d'arbitrer les futurs litiges qui se profilent dans cette bataille frontale entre pouvoirs.
Enfin, lundi, un "parlement populaire", également installé fin décembre par l'Assemblée sortante et destiné à contrecarrer le parlement élu, a siégé pour la première fois.
Cette instance "de pouvoir parallèle", selon les analystes, est prévue par une loi de 2010 mais non par la Constitution. Elle rassemble les représentants des "communes populaires", des structures de pouvoir participatif considérées comme la pierre angulaire du socialisme du XXIe siècle promu par Hugo Chavez.
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