Pour la première fois depuis un demi-siècle, la Suède impose désormais la présentation d'une pièce d'identité à toutes les personnes en provenance du Danemark, pays voisin qui a aussitôt répliqué en instaurant des contrôles à la frontière allemande.
L'Allemagne, qui a accueilli plus d'un million de migrants en 2015, a rappelé par la voix du ministère des Affaires étrangères que "la libre circulation est un bien précieux" au sein de l'Union européenne.
L'accord de "Schengen est très important mais est en danger", a déclaré le porte-parole du ministre Frank-Walter Steinmeier, Martin Schäfer, alors qu'une dizaine d'États membres ont rétabli à divers degrés les contrôles à leurs frontières, érigeant même pour certains (Hongrie, Slovénie) des clôtures antimigrants.
Confrontée à un afflux inédit de réfugiés depuis les guerres des Balkans dans les années 1990, la Suède a pris au cours de l'automne plusieurs mesures destinées à dissuader les migrants d'élire le royaume scandinave comme destination finale au bout de leur long périple à travers l'Europe.
Le gouvernement a rétabli le 12 novembre des contrôles aléatoires sur deux "autoroutes" de l'immigration, le pont-tunnel de l'Öresund reliant le Danemark à la Suède, et les ferries en provenance des ports danois et allemands de la mer Baltique.
À compter de lundi, ces contrôles sont systématiques. Une décision historique puisque les ressortissants des pays nordiques pouvaient circuler librement d'un pays à l'autre de la région depuis les années 1950.
- Contrôles à la frontière allemande -
Stockholm impose jusqu'à nouvel ordre aux compagnies de trains et d'autocars qui empruntent le pont de l'Öresund de vérifier les identités avant embarquement, côté danois, sous peine d'amendes de 50.000 couronnes suédoises (5.400 euros) par voyageur.
La vague de réfugiés, qui a pris des proportions inattendues entre août et novembre, a instillé des tensions entre la Suède, pays qui a reçu 163.000 demandes d'asile l'an dernier, soit la plus grande proportion par habitant de toute l'UE, et le Danemark, qui n'en a reçu que quelque 18.000.
Copenhague craint que les migrants refoulés par la Suède ne restent sur son territoire, et la réaction ne s'est pas fait attendre.
Lors d'une conférence de presse, le Premier ministre Lars Løkke Rasmussen a annoncé un rétablissement des contrôles aux frontières entre Allemagne et Danemark, d'où transitent la plupart des réfugiés cherchant à gagner les pays nordiques.
"Cela peut avoir de grandes conséquences pour le Danemark que d'autres pays nordiques mettent le holà à leurs frontières. Cela peut provoquer plus de demandes d'asile", a déclaré le chef de gouvernement libéral dont la majorité dépend au Parlement du Parti populaire danois (DF), formation anti-immigration.
Les contrôles danois seront aléatoires. Ils sont instaurés pour une période de dix jours, qui pourra être prolongée.
"Nous réagissons simplement à une décision prise en Suède. Nous instaurons des contrôles provisoires mais d'une manière équilibrée. Ce n'est pas un moment heureux du tout", a déploré M. Rasmussen.
- 'Mur de Berlin' -
Les contrôles imposés par la Suède s'effectuent en gare de Kastrup, située à l'intérieur de l'aéroport de Copenhague, d'où partent la grande majorité des réfugiés désireux de se rendre en Suède.
La situation était très calme lundi matin et les passages rapides aux 34 points de contrôle installés sur les quais, malgré l'irritation des personnes qui font la navette quotidiennement entre Copenhague et la troisième ville suédoise, Malmö, pour étudier ou travailler.
"Nous avons besoin de contrôles (à nos frontières) mais ils doivent être fluides", estimait Marten Jegenstam, consultant danois de 41 ans qui travaille en Suède.
Une poignée de voyageurs ont été éconduits depuis lundi minuit, a indiqué la société danoise de chemins de fer DSB, Tony Bispeskov, sans préciser s'il s'agissait de migrants.
"Nous leur demandons un titre avec photo, et s'ils n'en ont pas nous leur disons simplement: désolé, nous ne pouvons vous laisser monter", a-t-il expliqué.
Une clôture de deux mètres de haut et plusieurs centaines de mètres de long a été érigée aux alentours de la gare de Kastrup pour empêcher les migrants refoulés de se précipiter vers les trains en partance pour la Suède.
"C'est comme si on construisait un mur de Berlin", s'est indigné Michael Randropp, porte-parole d'une association d'usagers du pont de l'Öresund, cité dimanche par le quotidien suédois Dagens Nyheter.
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