Nimr Baqer al-Nimr, 56 ans, virulent critique de la dynastie sunnite des Al-Saoud, a été exécuté samedi avec 46 autres personnes condamnées pour "terrorisme".
En Irak, des centaines de personnes ont manifesté dans la ville sainte chiite de Kerbala, certains dirigeants appelant le gouvernement à fermer l'ambassade d'Arabie saoudite récemment rouverte à Bagdad.
"Plus de ligne rouge à partir de maintenant" ou "Nous aurons notre revanche, Al-Saoud et Khalifah", pouvait-on lire sur les bannières en référence aux familles royales d'Arabie saoudite et du Bahreïn, pays à majorité chiite gouverné par une dynastie sunnite et voisin de l'Arabie.
"Voilà ce que je dis aux Al-Saoud depuis la terre sacrée de Hussein (figure emblématique du chiisme): je jure devant Dieu que le sang du Cheikh (Nimr) n'a pas coulé pour rien", a lancé l'un des manifestants, Saïd Saad al-Moussaoui, ajoutant: "Nous allons faire trembler la terre sous vos pieds".
Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a fait part d'un "énorme choc" et a averti du potentiel déstabilisateur de l'exécution de Nimr.
"La liberté d'expression et l'opposition pacifique sont des droits humains de base garantis par les lois divines et internationales. Les violer a des conséquences sur la sécurité, la stabilité et le tissu social de la région", a-t-il dit dans un communiqué.
Par ailleurs, Khalaf Abdelsamad, chef du bloc parlementaire du parti chiite irakien Dawa - le parti du Premier ministre - a exhorté le gouvernement à "fermer l'ambassade saoudienne en Irak, expulser l'ambassadeur et exécuter tous les terroristes saoudiens emprisonnés en Irak", en rétorsion.
"L'exécution du cheikh Nimr Baqer al-Nimr aura de graves conséquences et mènera à la fin du règne des Al-Saoud", a prévenu le bureau de M. Abdelsamad.
- 'Un crime haineux' -
Toujours en Irak, un dirigeant de la coalition paramilitaire chiite "hached al-chaabi" (ou Unités de mobilisation populaire), Abou Mahdi al-Mohandis, a accusé "les dirigeants saoudiens de soutenir le terrorisme dans le monde entier en envoyant des takfiris (extrémistes), des armes et des voitures piégées dans les pays musulmans. Ils ont exécuté aujourd'hui le plus honnête homme d'Arabie saoudite".
Les adeptes du "takfir", idéologie adoptée par Al-Qaïda, le groupe Etat islamique et d'autres organisations extrémistes sunnites, qualifient d'infidèles les musulmans qui ne partagent pas leurs croyances.
Abou Mahdi al-Mohandis entretient des liens étroits avec l'Iran chiite, qui a averti l'Arabie saoudite, puissance sunnite comptant une importante minorité chiite, qu'elle paierait un "prix fort" pour cette exécution.
Le Hezbollah chiite libanais a pour sa part condamné "un crime haineux (perpétré) sur la base de fausses allégations, de lois corrompues et d'une logique pervertie qui n'a rien à voir avec la justice", selon un communiqué du mouvement.
Le groupe, fidèle allié de Téhéran, a également accusé les Etats-Unis de porter "une responsabilité directe et morale dans ce crime (...) en assurant la protection du régime saoudien et en couvrant ses principaux crimes contre son peuple et les peuples de la région".
De leur côté, des Etats sunnites, dont plusieurs monarchies du Golfe, ont fait part de leur soutien à Ryad.
Le ministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis, Cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyane, a exprimé le "soutien total" de son pays aux mesures de l'Arabie saoudite "pour faire face au terrorisme et à l'extrémisme".
Bahreïn, qui subit lui-même une rébellion de la majorité chiite de sa population, a quant à lui affirmé soutenir l'Arabie saoudite sur "toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la violence et l'extrémisme".
Quelques dizaines de jeunes chiites bahreinis ont toutefois protesté contre l'exécution du chef religieux chiite saoudien dans des rassemblements sporadiques dans la banlieue de Manama. Les protestataires se sont heurtés à la police qui a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants.
L'Arabie saoudite a exécuté plus de 150 personnes en 2015.
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