'Cela a été un mois et demi de cirque incroyable", a-t-elle déclaré à un journaliste de l'AFP à son arrivée à Roissy Charles-de-Gaulle à 04H30. 'Tout ça pour un article d'analyse sur une situation, un article fait par tous les autres médias du monde,", a-t-elle ajouté.
"On ne doit pas évincer un journaliste qui a juste fait son travail, qui a juste écrit un article, qui connaît la situation, je suis allée sur place, j'ai fait des reportages, j'ai rencontré des spécialistes du Xinjiang" (nord-ouest de la Chine), a déclaré la journaliste.
"Précédemment, dans tous les cas où des journalistes ont eu des problèmes, au dernier moment au 31 décembre on leur a renouvelé leur carte, mais là c'est évidemment qu'il y avait eu trop de déclarations publiques, ce n'était pas possible de reculer" pour les Chinois. Je vais continuer à écrire sur la Chine," a-t-elle affirmé.
La correspondante de L'Obs avait quitté Pékin pour Paris dans la nuit de jeudi à vendredi.
Ursula Gauthier devait quitter le territoire chinois au plus tard le 31 décembre, les autorités locales ayant décidé qu'elle n'obtiendrait pas le renouvellement de son visa. Elle était accusée d'avoir "défendu de manière flagrante" des actes terroristes dans un article, et d'avoir ainsi "provoqué l'indignation du peuple chinois".
Le ministère chinois des Affaires étrangères avait informé vendredi Ursula Gauthier que, faute d'"excuses publiques" de sa part, elle n'obtiendrait pas de nouvelle carte de presse, sésame indispensable aux journalistes étrangers afin de renouveler leur visa.
Dans son article publié le 18 novembre dernier sur le site internet de L'Obs, Mme Gauthier écrivait notamment que l'attaque meurtrière visant des employés d'une mine dans la région troublée du Xinjiang "ne ressemble en rien aux attentats du 13 novembre" à Paris, mais était "une explosion de rage localisée" de Ouïghours musulmans, nombreux dans la région, et dont certains se plaignent de la tutelle de Pékin.
- Articles incendiaires -
Deux journaux officiels, le Global Times (lié au Parti communiste) et le China Daily, ont publié des éditoriaux incendiaires dans lesquels ils ont reproché à la journaliste d'user de "deux poids deux mesures" sur le terrorisme. Mme Gauthier avait affirmé à Pékin avoir reçu des menaces de mort de lecteurs chinois en colère.
Ursula Gauthier avait par ailleurs estimé que Paris commettait une "erreur d'appréciation" en ne la défendant pas plus vigoureusement.
"On ne peut pas fermer les yeux sur ce que fait la Chine, en disant +Oh, ce n'est pas si grave+. Il est très important que nous, les Français et les Européens, soyons là, et que nous lui disions constamment +Non, là, ça ne va pas+. Si tout le monde le dit, peut-être que ça aura un petit effet."
Les responsables de plusieurs médias français ont publié mercredi une tribune dénonçant son expulsion et la faiblesse de la réaction de la France, accusée de mener une "diplomatie de paillasson".
Mais alors qu'elle quittait Pékin, le ministère français des Affaires étrangères a assuré dans un communiqué transmis à l'AFP avoir "multiplié les démarches" pour tenter de convaincre la Chine de renoncer à cette expulsion. "Dès que la situation de Mme Gauthier a été connue, la France et ses partenaires de l'Union européenne avaient multiplié les démarches, à Paris comme à Pékin", écrit le ministère.
De son côté, après que la journaliste a quitté la Chine, la Commission européenne a "demandé aux autorités (chinoises) de reconsidérer leur décision", estimant que cela "jette le doute sur l'engagerment de la Chine en matière de liberté de la presse".
Ursula Gauthier est le premier correspondant étranger en Chine à faire l'objet d'une mesure d'expulsion depuis celle en 2012 visant Melissa Chan, qui travaillait pour la chaîne de télévision Al Jazeera.
Interrogé sur le fait de savoir si la journaliste sera autorisée à revenir en Chine, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lu Kang, a déclaré jeudi que "cela dépend entièrement d'elle".
"Évidemment, si on me laisse revenir sans exiger des excuses solennelles et publiques, je reviendrai", a répondu la journaliste. "Je n'hésiterais pas une seconde."
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