"Au niveau planétaire, nous sommes vraiment dans une année exceptionnelle puisqu'elle est un peu plus d'un dixième de degré plus chaude que l'année 2014, qui elle-même était une année record", déclare à l'AFP l'ancien vice-président du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) dont les travaux ont alerté le monde sur le réchauffement.
"C'est un véritable saut, un dixième de degré d'une année sur l'autre, alors qu'en moyenne nous sommes sur un rythme de réchauffement moyen (...) d'entre un centième et deux centièmes de degré par an", relève-t-il.
Selon l'Institut météorologique britannique, en 2015, la hausse des températures mondiales par rapport à l'ère préindustrielle aura atteint +1°.
La température exceptionnellement élevée en 2015 est "due à El Niño", un phénomène naturel, souligne M. Jouzel.
"Depuis environ six mois, une large partie du Pacifique est, du côté des côtes chiliennes et péruviennes, est exceptionnellement chaude, beaucoup plus chaude que sa valeur moyenne.(...) Alors que ces eaux chaudes sont normalement à l'ouest de l'océan Pacifique, elles sont à l'est, et ça décale tout -tous les phénomènes de précipitations, de sécheresse dans toute la ceinture tropicale équatoriale", explique-t-il. A l'échelle planétaire, El Niño conduit "à une année extrêmement chaude".
Mais "on ne s'attend pas à un dixième de degré (de hausse) chaque année, ça nous amènerait à un réchauffement de dix degrés à la fin du siècle, c'est inimaginable", souligne le climatologue.
Selon les prévisionnistes, El Niño se terminera en milieu d'année 2016, "ce qui fera très probablement de 2016 de nouveau une année chaude", mais il est "assez probable que les années suivantes soient moins chaudes que 2014, 2015, 2016", ajoute-t-il.
En dehors d'El Niño, un des risques du réchauffement climatique "indubitable" est de provoquer "des hivers de plus en plus doux", qui se traduisent très souvent par "des précipitations importantes et des risques d'inondations", rappelle-t-il.
- 'Agir tout de suite' -
A la conférence de Paris il y a quelques semaines, la communauté internationale s'est fixé pour objectif de contenir le réchauffement "bien en-deçà" de 2 degrés par une limitation des gaz à effet de serre.
"Ca va être difficile de rester en-dessous de deux degrés", estime Jean Jouzel. "Ca nous laisse entre 20 et 25 ans d'émissions au rythme actuel". "Il faudrait en gros atteindre le pic d'émissions des gaz à effet de serre en 2020, et puis entre 2020 et 2050 les diviser par trois à l'échelle planétaire. C'est difficile" mais "ce n'est pas impossible".
En revanche, contenir la hausse en dessous de 1,5 degré, comme le souhaitent les pays les plus vulnérables, notamment les petites îles menacées par l'élévation du niveau des océans, c'est "inaccessible ou quasiment inaccessible parce que si on voulait maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré, on n'a plus que cinq à dix ans au maximum d'émissions au rythme actuel. (...) Ca voudrait dire changer immédiatement pratiquement de mode de développement".
"Si on veut laisser aux jeunes d'aujourd'hui un monde facilement vivable à la fin de ce siècle, il faut agir tout de suite, de façon extrêmement volontariste", avertit le climatologue.
Selon lui, "chacun d'entre nous a un rôle à jouer" dans cette lutte contre le réchauffement. "A travers des gestes, des décisions de chaque jour, nous pouvons nous-mêmes influer sur une bonne moitié des émissions en France, ce n'est pas rien", souligne-t-il, évoquant pêle-mêle le choix des moyens de transport, l'isolation de l'habitat, l'alimentation...
Une "mobilisation très forte" des entreprises est également "très importante", estime Jean Jouzel. Selon lui, "beaucoup d'entreprises comprennent qu'elles ont une carte à jouer dans leur développement en termes de lutte contre le réchauffement, dans la mesure où celle-ci est inéluctable".
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