Les Centrafricains votaient mercredi avec ferveur et calme pour une présidentielle et des législatives, une étape importante censée les sortir de trois ans de violences intercommunautaires qui ont entraîné ce pays très pauvre dans une crise sans précédent.
A Bangui, dans le nombreux bureaux de vote les opérations se poursuivaient au-delà de 16H00 (15H00 GMT) heure prévue de clôture des scrutins.
Dans ces bureaux, le vote avait commencé avec du retard, notamment dans l'enclave musulmane du PK-5, à l'école de Koudoukou, cible de tirs de roquettes le 13 décembre lors du référendum constitutionnel. Ces tirs, oeuvre d'extrémistes hostiles au processus électoral, avaient fait cinq morts.
Mercredi, le quartier était sous haute protection de Casques bleus et les électeurs, très nombreux, se pressaient pour voter, dans une ambiance animée mais calme.
"Je vote car je suis patriote. Pour construire le pays, les hôpitaux et même l'école", expliquait à l'AFP l'un d'eux, Ousmann, 27 ans.
Cette ferveur s'est manifestée dans l'ensemble de la capitale, où aucun incident violent n'avait été signalé en milieu d'après-midi.
"On doit changer la destinée du pays aujourd'hui. Il faut cette fois que le suffrage du peuple ne soit pas détourné", commentait dans le 2e arrondissement de Bangui Philippe Bodo, administrateur civil. "On va élire un bon président pour le pays", assurait Lucie, une jeune électrice.
Dans ce pays de 4,8 millions d'habitants, essentiellement rural, les Centrafricains se sont massivement inscrits sur les listes électorales pour ces élections reportées plusieurs fois en raison de l'insécurité persistante dans certaines zones sous la coupe de bandes armées.
Pour le référendum, beaucoup de résultats ont été écartés en raison de mauvaises procédures de validation de votes.
Mercredi, l'Autorité nationale des élections (ANE) a relevé "des erreurs matérielles sur des bulletins de vote dans plusieurs circonscriptions électorales", à Bangui comme en province.
"Dans certaines localités, les bulletins de vote pour les élections législatives, ne sont pas parvenus dans les bureaux", a indiqué un communiqué de l'ANE, selon laquelle cela entraînerait vraisemblablement un certain nombre d'"élections partielles", une fois tous les problèmes recensés.
Selon des éléments recueillis par l'AFP, les opérations électorales ont globalement commencé dans plusieurs villes de province, notamment Bouar, Berbérati, Bossangoa, Bambari ou Ndélé, localité où le référendum avait été perturbé par des hommes armés.
Trente candidats sont en lice pour la présidentielle. Le nombre des candidats députés (1.800 au départ) n'avait pas été officialisé mardi, en raison de recours.
Trois personnalités émergent dans la course à la présidence: deux anciens Premiers ministres, Anicet Georges Dologuélé et Martin Ziguélé, ainsi que Abdoul Karim Méckassoua, plusieurs fois ministre.
Les trois rivaux ont minimisé les soucis d'organisation en mettant l'accent sur la mobilisation des électeurs.
- 'La paix et la sécurité' -
"Les enjeux de ces élections, c'est la reprise en mains du destin de notre pays. Parce que nous n'avons que des problèmes graves dans ce pays", a déclaré à la presse M. Ziguélé. "Même s'il y a des imperfections, même si des bulletins des législatives n'arrivent pas ici ou là () il faut qu'ils (les Centrafricains) votent".
Pour M. Méckassoua, "les enjeux de ces élections, c'est la sécurité et la paix. Il y a de cela quelques jours, on nous tirait dessus", a-t-il rappelé à la presse au PK-5: "certes tout n'est pas parfait () Tout ce que je souhaite, c'est que la désorganisation ne puisse pas entacher la sincérité du résultat".
M. Dologuélé a salué la ferveur des électeurs: "je note un grand engouement. Ce vote est important pour en finir avec la souffrance des Centrafricains".
Les forces internationales (ONU et française Sangaris) étaient mobilisées pour assurer la sécurité du vote.
Le renversement du président François Bozizé, en mars 2013, par la rébellion à dominante musulmane Séléka de Michel Djotodia a précipité le pays dans un cycle de violences intercommunautaires qui a culminé fin 2013 avec des massacres et le déplacement de centaines de milliers de personnes, contraintes de fuir les exactions des combattants Séléka et des miliciens essentiellement chrétiens anti-balaka.
M. Djotodia a finalement été contraint à la démission début 2014, dans la foulée d'une intervention militaire internationale sous la conduite de la France, ancienne puissance coloniale.
Dirigée depuis par la présidente de transition Catherine Samba Panza, la Centrafrique a une économie détruite, sous perfusion des bailleurs qui, France en tête, ont poussé à l'organisation rapide d'élections malgré l'insécurité.
Les trois derniers chefs d'Etat sont exclus du scrutin. MM. Bozizé et Djotodia, en exil, sont sous le coup de sanctions internationales et la Charte de transition interdisait à Mme Samba Panza d'être candidate.
Les opérations de dépouillement des résultats s'annoncent longues. Un probable second tour est prévu le 31 janvier.
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