Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé comme une "trahison" mardi la revendication autonomiste du principal parti pro-kurde tandis que règne un climat de quasi-guerre civile dans le sud-est de la Turquie, théâtre d'intenses combats entre les forces armées et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
L'homme fort de Turquie n'a pas mâché ses mots devant la presse à Istanbul en attaquant avec virulence le chef de file du parti de la démocratie des peuples (HDP), Selahattin Demirtas, qui a lors du week-end dernier évoqué une possible autonomie pour la minorité kurde.
"Ce que ce coprésident a fait constitue une trahison, une provocation très claire", a martelé M. Erdogan, accusant les responsables de son parti d'être des "marionnettes" à la solde du PKK.
La justice turque a ouvert une enquête lundi à l'encontre M. Demirtas, bête noire du chef de l'Etat, pour avoir réclamé une plus grande autonomie, lors d'un congrès réunissant différentes organisations kurdes qui ont plaidé en faveur d'une plus grande autonomie d'une communauté de quelque 12 millions de personnes (sur 78) qu'elles représentent.
La constitution turque interdit toute division du territoire turc sur des bases ethniques, comme le président l'a rappelé avec insistance: "De quel droit pouvez-vous parler dans le cadre de notre structure unitaire d'établir un Etat dans le Sud-Est, dans l'Est ?". "Ni la volonté nationale, ni les forces armées ne le permettront", a-t-il averti.
Les tensions politiques sont au comble entre le gouvernement islamo-conservateur et les représentants du HDP, troisième force politique de Turquie. Une opération militaire d'une ampleur inédite est menée par 10.000 hommes depuis deux semaines dans plusieurs villes du sud-est anatolien contre les membres du PKK, et surtout son organisation de jeunesse, le YDG-H. Celle-ci a lancé un "soulèvement" dans les centres urbains, alors que traditionnellement elle affronte l'armée dans la campagne.
- Lourd tribut pour les civils -
Les combats ont fait plus de 200 morts, selon l'armée, dans les rangs des séparatistes mais n'épargnent pas non plus les civils qui payent le plus lourd tribut. Ce bilan est invérifiable de source indépendante car les villes concernées sont sous couvre-feu depuis des semaines, coupées du monde.
Cizre, Silopi, Nusaybin et le district de Sur, la vieille ville de Diyarbakir, la "capitale" du sud-est turc, sont les plus touchées.
Plus d'une cinquantaine de couvre-feux ont déjà été imposés par les gouverneurs dans ces régions kurdes, depuis la mi-août, affectant la vie de quelque 1,3 millions de personnes, a indiqué récemment la Fondation pour les droits de l'Homme de Turquie (TIHV).
Les civils pris au piège des combats ont émigré par dizaines de milliers vers des zones plus sûres, selon les médias. Ceux forcés de rester confinés dans leurs maisons sont confrontés à des coupures d'eau, d'électricité et de réseau mobile. Dans cet état de siège, les hôpitaux, les administrations locales et les écoles sont à l'arrêt.
De nombreux civils ont été tués (129, selon le HDP) depuis la reprise des combats entre l'armée et le PKK l'été dernier, après une trêve de deux ans entre les parties dont on espérait qu'elle pourrait enfin déboucher sur une solution politique du conflit kurde qui dure depuis 1984.
Une nouvelle victime collatérale des combats été recensée lundi soir: un garçon de cinq ans qui jouait devant sa maison d'un quartier de Cizre a été tué d'une balle dans la nuque, rapporte le journal Hürriyet.
Un journaliste de ce quotidien faisait état mardi de scènes de guerre à Sur. Des centaines de maisons et commerces ont été détruits dans l'ancien coeur touristique de Diyarbakir où les combattants kurdes ont creusé de larges tranchées et érigé des barricades.
Dans cette atmosphère délétère, le chef de l'Etat turc a redit mardi que l'offensive militaire se poursuivrait avec "détermination". Il a affirmé que depuis l'été "plus de 3.000 terroristes" avaient été tués lors d'opérations menées en Turquie et dans le nord de l'Irak, où le PKK dispose de bases arrières.
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