Manuel Valls est à nouveau monté au créneau lundi pour défendre l'élargissement, très contesté à gauche, de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français et condamnés pour terrorisme, renvoyant à ses détracteurs l'accusation de faire le jeu de l'extrême droite.
Une pointe d'agacement transparaît sous la plume du Premier ministre. "Je ne peux laisser tout dire sur la déchéance de nationalité: revenons aux faits !", écrit-il dans une tribune publiée lundi sur son compte Facebook.
"Chacun a droit au respect de son opinion". "Mais, devant les Français, il est sage d'éviter tout amalgame, d'écarter les arguments infondés", insiste M. Valls, alors que même son prédécesseur à Matignon Jean-Marc Ayrault s'est joint aux nombreux opposants à cette réforme au sein du PS.
Lors de son discours devant le Parlement réuni en congrès, après les attentats du 13 novembre (130 morts, plusieurs centaines de blessés), François Hollande avait annoncé cet élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français et condamnés pour terrorisme.
Et la mesure figure bel et bien, après quelques flottements au sein de l'exécutif, dans le projet de réforme constitutionnelle examiné à l'Assemblée à partir du 3 février. Elle plonge la droite dans un embarras manifeste et compte de virulents détracteurs au sein de la majorité, qui y voient une légitimation des thèmes du Front national.
"Comment peut-on dire que priver de la nationalité française des terroristes condamnés serait une idée d?extrême droite ? D?abord, parce que c?est strictement faux : ce principe existe dans de nombreux pays démocratiques proches de la France : en Grande-Bretagne, au Canada, en Suisse, aux Pays-Bas et d?autres encore, sans doute. Le même débat existe en Belgique () Ensuite, parce qu?affirmer cela permet au Front national et aux cercles identitaires de renforcer leur propagande", argumente M. Valls.
"Il faut au contraire dire que ce qui est une idée d?extrême droite, c?est de fonder la nationalité exclusivement sur le sang, sur l?appartenance ethnique", poursuit le Premier ministre, alors que le député (Les Républicains) Hervé Mariton, opposé à la déchéance, s'est de nouveau prononcé en faveur du droit du sang.
- 'Concours Lépine de l'indignation' -
Pour Manuel Valls, le projet de l'exécutif n'est "aucunement une remise en question du droit du sol, puisque la possibilité de déchéance concernera tous les terroristes binationaux condamnés pour crimes, quel que soit le mode d?obtention de la nationalité, droit du sol ou filiation. Évitons de laisser indûment penser que le droit du sol ferait obstacle à une proposition qui recueille une très large adhésion parmi les Français. Ce n?est nullement le cas".
Aux opposants qui invoquent les déchéances pratiquées par le régime de Vichy, le Premier ministre oppose "la première procédure de déchéance de la nationalité" instituée "par la IIe République" au XIXe siècle. "Il s'agissait alors d'exclure de la République les esclavagistes qui refuseraient de se conformer à l'abolition de l?esclavage".
"Une mesure de déchéance après condamnation pour un crime terroriste par un tribunal indépendant n?a absolument rien à voir avec les actes discriminatoires du régime raciste et antisémite de Vichy", insiste le chef du gouvernement.
Celui-ci rappelle avoir assoupli, "sous les critiques virulentes de l'extrême droite", les conditions de naturalisation lors de son passage au ministère de l'Intérieur. Une mesure qui a "bénéficié" à "des milliers" de personnes "aujourd'hui devenues nos compatriotes, pour beaucoup binationales".
"Même si elle ne concernera heureusement qu?un nombre limité de personnes, la déchéance symbolisera l?exclusion définitive du pacte national de ceux qui ont commis des crimes terroristes, dans le respect des principes du droit international auxquels nous sommes attachés, qui interdisent de créer des situations d'apatridie", conclut M. Valls.
Le débat promet d'être animé au PS. Chef de file des frondeurs, Christian Paul a jugé cette mesure "irresponsable". Avant Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry avait dénoncé une "rupture d'égalité". Le député PS Christophe Caresche a au contraire dénoncé un "concours Lépine de l'indignation" à gauche.
Le projet de réforme constitutionnelle prévoit aussi l'inscription de l'état d'urgence dans la loi fondamentale.
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