L'avocat chinois Pu Zhiqiang, éminent défenseur des droits de l'Homme, a été condamné mardi à trois ans de prison avec sursis pour des microblogs fustigeant le pouvoir -- un verdict de culpabilité dénoncé par ses soutiens, alors que Pékin poursuit sa répression des juristes et activistes contestataires.
M. Pu, 50 ans, est connu pour avoir défendu devant la justice des victimes de camps de rééducation par le travail, le célèbre artiste Ai Weiwei --longtemps bête noire de Pékin--, et des citoyens en butte à l'arbitraire des autorités.
Arrêté mi-2014, l'avocat est resté un an et demi en détention avant d'être jugé la semaine dernière, pour sept brefs textes postés sur ses comptes de microblogs entre 2011 et l'an dernier.
Il y fustigeait l'incompétence et les "mensonges" du Parti communiste, et dénonçait les politiques répressives menées par Pékin au Tibet et dans la région à dominante musulmane du Xinjiang.
Pu Zhiqiang, qui encourait jusqu'à huit ans d'emprisonnement, a finalement écopé de trois ans avec sursis, a indiqué à l'AFP son avocat Mo Shaoping.
Il a été reconnu coupable d'"incitation à la haine raciale" et d'avoir "provoqué des querelles et fomenté des troubles" par la Deuxième cour intermédiaire populaire de Pékin, ont précisé des médias d'Etat, assurant qu'il ne ferait pas appel.
"Nous sommes très loin d'être satisfaits, car nous avions demandé l'acquittement de Pu et cette condamnation entérine sa culpabilité", a cependant déclaré Mo Shaoping à l'AFP.
Le caractère suspensif de la sentence implique certes que Pu Zhiqiang devrait sortir de prison, "mais il ne sera pas un homme libre () et il sera comme avant susceptible d'être arrêté" arbitrairement, a averti M. Mo.
De fait, Pu sera désormais soumis à un contrôle régulier des autorités et devra demander des permissions pour quitter Pékin. La police aura toute latitude pour déterminer s'il enfreint les conditions de sa probation, auquel cas il retournerait derrière les barreaux.
- Manifestants persécutés -
Le tribunal pékinois prononçant le verdict était, comme lors du procès, entouré mardi d'un dispositif policier massif, dont d'importantes forces de l'ordre en civil, a constaté l'AFP.
Au moins trois manifestants venus exprimer leur soutien à Pu ont été violemment éloignés des abords de la Cour, tandis que des policiers repoussaient sans ménagement les journalistes à plusieurs centaines de mètres, confisquant momentanément les cartes de presse de certains.
"Pu Zhiqiang est un homme bon! Défendre les gens du peuple est donc devenu un crime?", a hurlé une militante avant d'être forcée d'entrer dans un fourgon de police par des hommes en civil.
"Arrête ta comédie, il y a des journalistes étrangers ici", lui a intimé un officier. "Je ne m'en irai pas! Pu est innocent", criait une autre jeune femme, avant d'être emmenée manu militari par les forces de l'ordre.
Déjà venu la semaine précédente, Jiang Jiawen, un quinquagénaire venu de Dandong (nord-est), était de nouveau sur place mais s'inquiétait de la forte mobilisation policière: "Je ne sais pas si je serai en mesure de retourner à la maison ce soir".
De fait, selon l'ONG Amnesty International, une vingtaine des manifestants venus soutenir Pu Zhiqiang le 14 décembre pour son procès avaient été interpellés par la police, et au moins quatre d'entre eux ont été depuis placés formellement en état d'accusation.
Amnesty a par ailleurs promptement dénoncé mardi la condamnation de Pu comme "une immense injustice".
"Il est probable que Pu Zhiqiang ne dormira plus en prison, mais () ce n'est pas un criminel et ce verdict de culpabilité va interdire à un emblématique défenseur des droits de l'Homme en Chine de pratiquer son métier", a commenté William Nee, un chercheur d'Amnesty.
"C'est l'un des plus courageux défenseurs chinois de la liberté d'expression, et il a été persécuté pour avoir simplement exercé ce droit", a-t-il ajouté.
Une manière de signifier que l'étouffoir reste de mise sur la profession très sensible d'avocat, dans un pays où la justice reste étroitement contrôlée par le pouvoir politique.
Sous la présidence de Xi Jinping, Pékin a nettement durci la répression des voix critiques émanant de la société civile --juristes, militants et universitaires--, avec des centaines d'interpellations. Plusieurs dizaines d'avocats défenseurs des droits de l'Homme avaient été détenus en juillet à travers tout le pays.
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