Les nationalistes ont pris le pouvoir jeudi en Corse avec l'accession de l'autonomiste Gilles Simeoni à la présidence du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale (CTC), le mini gouvernement de l'île, et l'installation de l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni au perchoir de l'Assemblée de Corse.
Chaleureusement acclamés par les 23 autres élus nationalistes et par des dizaines de militants et sympathisants massés dans les tribunes criant "Liberta" et agitant des drapeaux blancs à tête de Maure, MM. Simeoni et Talamoni ont, dès leur élection, réclamé la libération des prisonniers "politiques", au nombre de 25.
"Demain, nous obtiendrons l'amnistie des prisonniers et des recherchés () et personne ne pourra s'opposer à cette volonté populaire", a déclaré M. Talamoni.
M. Simeoni, qui va renoncer à son mandat de maire de Bastia, a affirmé la volonté des nouveaux dirigeants de régler "des problèmes pendants depuis des décennies: transports, déchets, désertification de l'intérieur, sous-développement économique et social".
Il a aussi appelé l'Etat à "s'impliquer dans la définition et la mise en ?uvre d'une solution politique globale". "Le peuple corse existe () et va construire et assumer son destin, dans la paix et la démocratie", a poursuivi M. Simeoni en s'adressant "solennellement au gouvernement et à l'Etat". "Cette logique d'émancipation passe nécessairement par une relation repensée et reformulée à l'Etat", a-t-il dit.
Un conseil exécutif de 8 membres a été élu et les portefeuilles seront attribués dans les prochains jours.
C'est la première fois, depuis la création de l'assemblée en 1982 que les nationalistes, qui ont nettement gagné les élections territoriales des 6 et 13 mars avec 35,34% des voix au second tour, dirigent les institutions insulaires.
Leur mandat est de deux ans seulement puisque de nouvelles élections seront organisées en 2018 avec l'instauration d'une collectivité unique et la suppression des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.
"En votant pour les nationalistes, le peuple corse a dit que la Corse n'était pas un morceau d'un autre pays mais une nation, avec sa langue, sa culture, sa tradition politique, sa manière d'être au monde", a dit M. Talamoni qui a prononcé tout son discours en corse.
M. Simeoni a insisté sur la mise en ?uvre des délibérations de l'Assemblée votées ces dernières années et "restées à ce jour sans suite, ni effet".
Outre l'amnistie pour les prisonniers, il a mentionné la coofficialité de la langue corse, un statut fiscal, la politique foncière et l?instauration d'un statut de résident, le pouvoir législatif et l?inscription de la Corse dans la constitution.
- "Maison de cristal" -
Appelant à "refuser les logiques d'assistance, de clientélisme, de collusions", M. Simeoni a affirmé vouloir s'engager pour "la démocratie, la transparence et la construction d'une société corse juste et solidaire". "Il faut a-t-il dit, citant Pascal Paoli, le père de l'indépendance corse au 18e siècle, que notre administration ressemble à une maison de cristal où chacun puisse voir ce qui se passe".
"Ce peuple ouvert, fraternel, solidaire (est) désireux de continuer à intégrer, comme il l'a fait depuis des siècles () ceux qui choisissent de vivre dans cette île, d'en apprendre la langue, d'en partager les passions, les rêves et les espoirs", a-t-il encore affirmé.
M. Talamoni avait auparavant indiqué que les nationalistes "tendaient la main à tous les Corses, mais aussi à ceux qui sont arrivés chez nous il y a peu et qui sont venus en amis pour partager notre destin".
"L'heure est venue de la réconciliation de notre communauté avec elle-même", a ajouté le dirigeant indépendantiste ajoutant que "la Corse appartient à tous les Corses".
Appelant à l'ouverture d'un dialogue serein et constructif", M. Simeoni a demandé "au gouvernement et à l'Etat de prendre la mesure de la révolution démocratique que la Corse est en train de vivre () car toutes les conditions sont réunies pour que puisse s'ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire" de la Corse.
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