L'exécutif hésite à maintenir la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français dans son projet de réforme de la Constitution post-13 novembre, une mesure surtout symbolique et qui suscite des oppositions, notamment à gauche, selon des sources gouvernementales.
"L'exécutif ne fait pas de l'adoption de cette mesure un point dur", résume un ministre. "Est-ce que le symbole vaut la peine, pour trois ou quatre personnes seulement ?", s'interroge un autre poids lourd du gouvernement.
Le président François Hollande, qui avait chargé Manuel Valls de piloter cette révision constitutionnelle annoncée le 16 novembre devant le Congrès, doit rendre ses derniers arbitrages avec le Premier ministre en fin de semaine, avant le passage du texte en Conseil des ministres mercredi prochain.
Le projet initial, transmis début décembre au Conseil d'Etat et dont l'AFP a obtenu copie, prévoit d'inscrire l'état d'urgence dans le texte suprême de la République, et non plus seulement dans la loi, afin notamment de le "sécuriser" juridiquement.
Il prévoit également une fin progressive de mesures prises sous le régime de l'état d'urgence, notamment les assignations à résidence d'individus considérés comme dangereux, qui pourraient perdurer jusqu'à six mois supplémentaires. Ce que le gouvernement appelle "une sortie en sifflet".
Un deuxième article, plus controversé, prévoit d'étendre la possibilité de déchoir un Français de sa nationalité à tous les binationaux, mêmes nés Français. La mesure était jusque-là réservée aux naturalisés.
"Pas une idée de gauche", avait déploré le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis. Les maires de Lille, Martine Aubry, et de Paris, Anne Hidalgo, avaient également pris position contre la mesure, fustigée à la gauche de la gauche. Le patron des députés PS, Bruno Le Roux, avait reconnu "un débat profond" parmi les parlementaires.
"Cela ne passe pas chez beaucoup de gens. Ca paraît à beaucoup disportionné et inutile", reconnaît un ministre.
Manuel Valls avait lui-même admis la semaine dernière qu'il s'agissait surtout d'une "mesure symbolique".
- "Sortie en sifflet" -
"Ce qui est très important pour la lutte contre le terrorisme, c?est la constitutionnalisation de la loi de 1955 sur l?état d?urgence, voire la sortie progressive", juge une source proche du Premier ministre.
"La question de la déchéance est d?une autre nature, ce n?est pas un outil pour lutter contre le terrorisme, c?est symbolique", reconnaît-on.
Reste à ne pas prêter le flanc à la critique de la droite et du Front national, alors que cette mesure a été annoncée par le chef de l'Etat lui-même devant les parlementaires réunis à Versailles. Le numéro 2 du FN Florian Philippot a d'ores et déjà dénoncé une "reculade" sur la déchéance de nationalité.
Si la poignée de parlementaires FN n'aura aucun poids sur le vote final, le gouvernement devra bien compter sur des voix du centre et de la droite: une majorité de 3/5e du Congrès (députés plus sénateurs) est in fine nécessaire.
En parallèle, le Conseil Constitutionnel dira le 22 décembre si les assignations à résidence décidées dans le cadre de l'état d'urgence sont conformes à la Constitution.
Si les "Sages" retoquent la validité des assignations à résidence, le recours à une révision constitutionnelle s'annonce d'autant plus incontournable.
Tout ne sera d'ailleurs pas dans la réforme de la Constitution: le gouvernement prépare aussi des amendements à des projets de loi visant par exemple à renforcer les perquisitions, selon une source gouvernementale.
Autre enjeu: faudra-t-il prolonger l'état d'urgence ? Celui-ci arrivera à son terme le 26 février.
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve n'avait pas exclu fin novembre un nouveau vote du Parlement si la menace restait au même niveau.
"C'est une question extrêmement difficile parce que l'état d'urgence est lié à une menace précise. Or nous faisons face à une menace diffuse et durable", souligne un ministre.
C'est le principal argument de l'exécutif pour la "sortie en sifflet": éviter que les effets de l'état d'urgence cessent du jour au lendemain et de donner l'impression à la population que la menace aurait disparu. Une situation désastreuse en cas de nouvel attentat.
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