Après la décision des électeurs, celle de la justice: le tribunal correctionnel de Lyon se prononce mardi dans une affaire d'incitation à la haine visant Marine Le Pen, une première, pour des propos comparant les prières de rue de musulmans à l'Occupation.
La relaxe de la présidente du Front national, battue dimanche aux élections régionales, avait été requise à l'audience le 20 octobre, à laquelle elle avait assisté. Mme Le Pen ne fera pas le déplacement cette fois, selon son avocat.
"Je serai présent et on attend la décision très sereinement", a déclaré à l'AFP Me David Dassa Le Deist.
La fille de Jean-Marie Le Pen est poursuivie pour "provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion", pour des propos tenus fin 2010 lors d'une réunion publique à Lyon, alors qu'elle était en campagne pour la présidence du FN face au Lyonnais Bruno Gollnisch.
Elle encourt un an de prison et 45.000 euros d'amende. Mais le procureur Bernard Reynaud a requis la relaxe, estimant que "Mme Le Pen, en dénonçant ces prières dans l'espace public, imputables non à l'ensemble de la communauté musulmane mais à une minorité, n'a fait qu'exercer sa liberté d'expression".
Quatre associations - la Licra, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), le Mrap et la Ligue judiciaire de défense des musulmans - se sont constituées parties civiles.
"Nous attendons qu'elle soit condamnée. La position du ministère public n'engage pas le tribunal. Nous considérons que ces propos sont indignes moralement et que juridiquement elle a dépassé les limites autorisées", estime Me Sabrina Goldman, avocate de la Licra.
- 'Je suis dans mon droit' -
"Je suis désolée mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s'il s'agit de parler d'Occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c'est une occupation du territoire", avait lancé Mme Le Pen un soir de décembre 2010, sous les applaudissements des militants.
Et d'ajouter: "C'est une occupation de pans du territoire, des quartiers, dans lesquels la loi religieuse s'applique, c'est une occupation. Certes, il n'y a pas de blindés, pas de soldats, mais c'est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants".
Le procès, très médiatisé, s'est tenu six semaines avant les régionales, la prévenue accusant alors le gouvernement d'être responsable des poursuites. "Il ne vous étonne pas ce calendrier ? Nous sommes à un mois d'une élection alors que cette affaire a cinq ans!", avait-elle lancé.
Déjà poursuivie en diffamation, Marine Le Pen n'avait encore jamais comparu pour provocation à la haine, contrairement à son père, condamné plusieurs fois en particulier pour avoir dit que les chambres à gaz étaient un "détail" de l'Histoire. Celle qui a précisément fait exclure son père du FN, cette année, pour ses dérapages à répétition, avait assuré au tribunal avoir seulement parlé d'occupation, sans majuscule ni référence au nazisme.
"J'ai voulu m'intéresser aux problèmes des Français et non pas me lancer dans des références au passé ou à l'histoire, 70 ans en arrière", avait plaidé cette avocate de profession qui avait déjà entamé, fin 2010, sa stratégie de "dédiabolisation" du FN.
"Les prières de rue sont une illégalité. C'est une manière d'accaparer () un territoire pour y imposer une loi religieuse. Je suis dans mon droit, comme responsable politique, d'évoquer un sujet fondamental. C'est même un devoir", avait ajouté Mme Le Pen à la barre.
"Ce qui m'avait plus surpris (au procès, ndlr), c'est que le parquet ne parlait pas vraiment du fond du sujet, si les prières de rue sont licites ou pas", a souligné lundi Me Henri Braun, avocat du CCIF. "Le prévenu qui part en cours d'audience, c'est un peu original!", a-t-il aussi raillé.
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