Comme promis, l'UE a relancé lundi les négociations d'adhésion avec la Turquie, dont elle attend une meilleure coopération sur la crise migratoire et une lutte accrue contre l'organisation Etat islamique en asséchant notamment le commerce lucratif de pétrole des jihadistes.
L'ouverture du chapitre 17, qui porte sur la politique économique et monétaire, est un signe de la "revitalisation du processus d'adhésion", a indiqué le ministre luxembourgeois Jean Asselborn, dont le pays préside l'Union.
"C'est un pas important dans notre adhésion après près de deux ans d'impasse", s'est félicité le ministre turc aux Affaires européennes, M. Bozkir.
Les négociations d'adhésion de la Turquie au bloc européen, entamées en 2005, piétinaient depuis des années. Mais elles ont reçu une nouvelle impulsion en octobre lorsque les Européens ont proposé à la Turquie un "plan d'action" pour endiguer le flux sans précédent de migrants vers l'Union européenne.
Le chapitre ouvert lundi est le quinzième à l'être sur un total de 35 devant être négociés pour ouvrir la voie à une adhésion de la Turquie.
Même la chancelière allemande Angela Merkel, jusqu'alors notoirement opposée à la perspective d'une adhésion, a changé d'avis cet automne, en rendant personnellement visite au président turc Recep Tayyip Erdogan au plus haut de la crise migratoire.
L'Union a promis d'aider à hauteur de trois milliards d'euros le gouvernement turc afin d'améliorer l'accueil des réfugiés syriens et irakiens sur le sol turc, renforcer les patrouilles en mer Egée et rapatrier les migrants économiques illégaux.
Le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, avait été invité le 29 novembre à un sommet exceptionnel avec les dirigeants européens à Bruxelles pour sceller cette coopération, en échange d'une relance de l'adhésion et d'une accélération de la libéralisation des visas.
Lundi, trois ministres se sont rendus à Bruxelles, alors que le gouvernement turc se dit "déterminé à faire tout ce qu'il faudra pour devenir un membre à part entière" de l'UE.
Mais "il sera important que la Turquie réponde à certains manquements", a souligné lundi soir le commissaire à l'Elargissement, Johannes Hahn, citant l'indépendance de la justice, la liberté d'expression et des médias.
M. Hahn prépare pour le printemps prochain une évaluation d'autres domaines dans lesquels les négociations d'adhésion pourraient démarrer, notamment l'Etat de droit, l'énergie, l'éducation ou les affaires étrangères, même si la Commission a exclu tout nouvel élargissement avant 2020.
-Frontière poreuse-
Mais le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, s'est montré très sceptique face à une telle perspective, reconnaissant "honnêtement" qu'en fait la relance des négociations, "c'est pour que la Turquie nous aide afin que les réfugiés ne viennent pas en Europe".
Les Occidentaux attendent également que la Turquie contrôle mieux sa frontière avec la Syrie, encore poreuse sur une centaine de kilomètres, pour empêcher le transit des jihadistes de l'EI et assécher le commerce de pétrole, manne financière pour cette organisation.
Ces sujets ont été abordés lundi au cours d'un déjeuner de travail avec le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu.
"Il faut être très ferme avec l'ensemble des partenaires sur le financement du terrorisme" qui "se fait sur place avec le racket des populations locales, mais aussi par l'exportation de produits pétroliers", a prévenu le chef de la diplomatie belge Didier Reynders.
"Il faut des mesures pour empêcher les produits pétroliers de partir vers l'extérieur. On en parlera avec notre collègue turc comme on en parle avec d'autres pays de la région", a-t-il assuré.
Cette question - au coeur d'une vive querelle entre Moscou et Ankara après un grave incident aérien à la frontière syrienne en novembre - est très sensible pour le gouvernement turc.
La famille du président turc Recep Tayyip Erdogan a été accusée par le président russe Vladimir Poutine d'être impliquée dans la contrebande de pétrole de l'EI.
Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Harlem Désir, a pour sa part exhorté Ankara à "contrôler la frontière entre la Syrie et la Turquie pour éviter que l'EI puisse faire venir des combattants étrangers, les former, les entraîner et ensuite les renvoyer dans d'autres pays", en rappelant que cela avait été le cas pour certains des kamikazes des attentats de Paris.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.