Ammar Mustapha est un jeune Palestinien timide de 18 ans. Dans son uniforme queue de pie du prestigieux Eton College (sud), il raconte son épopée de la Libye au Royaume-Uni, via la Syrie et le Liban.
C'est grâce à l'excellence de ses résultats scolaires et à la fondation britannique Cogito Scholarship qu'Ammar a pu intégrer, pendant deux ans, l'établissement scolaire le plus huppé du Royaume-Uni, qui a accueilli le Premier ministre britannique David Cameron, le maire de Londres Boris Johnson ou les princes William et Harry.
"C'est une opportunité qui change une vie. Vivre cette expérience fantastique au Royaume-Uni m'a fait réaliser que je suis quelqu'un qui peut changer sa communauté", dit-il à l'AFP, installé dans un parc contigu au prestigieux lycée de garçons.
Né en Libye, Ammar en est parti en 1999, à l'âge de deux ans, pour rejoindre avec ses trois frères et ses parents le camp palestinien de Yarmouk, à Damas, où son père électricien avait trouvé du travail.
- 'Enfance heureuse' en Syrie -
Yarmouk n'a de camp que le nom: c'est un véritable quartier dans les faubourgs de Damas. Plus de 160.000 personnes y vivaient avant le début du conflit syrien en 2011 qui l'a transformé en champ de bataille, ne laissant aujourd'hui que 18.000 habitants.
"C'était chouette de vivre à Yarmouk. Le mot +camp+ en Syrie et au Liban fait référence à une communauté palestinienne", explique-t-il, évoquant une "enfance heureuse" dans un quartier "très sûr".
"Nous l'avons quitté la veille des premiers bombardements", à l'été 2012, se souvient Ammar, qui a rejoint avec sa famille le camp palestinien plus rudimentaire de Borj Al-Chemali à Tyr, dans le sud du Liban.
C'est dans l'école de l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) où il étudie que le docteur Peter Mann, professeur de physique d'Eton, a repéré Ammar parmi une quarantaine d'élèves présélectionnés dans tout le Liban.
"Ammar était très timide et silencieux mais il avait des résultats scolaires brillants. Il était un peu différent. Les élèves disaient tous qu'ils voulaient être ingénieur civil", mais "lui voulait faire à l'époque de la décoration d'intérieur", note l'enseignant.
Aujourd'hui, Ammar, qui compte postuler aux plus brillantes universités britanniques et américaines, a changé d'avis: "après mon diplôme, j'aimerais rester en Europe ou aux Etats-Unis pour travailler. Mais mon objectif à long terme est de retourner au Liban et d'aider ma communauté en tant qu'ingénieur civil".
En attendant, il savoure les plaisirs de son âge: découverte de l'aviron, du squash et du tennis qu'il rêvait de pratiquer, parties de foot ou de jeux vidéos, initiation à la photographie.
Parmi les difficultés, "la langue a été le défi majeur". Et "la cuisine" de sa mère lui manque, une constante chez les Moyen-Orientaux de l'école, note, amusée, Francesca Moultrie, chargée de leur accueil à Eton, qui salue le bienfait de leur présence.
- Renaissance du Moyen-Orient -
"C'est une expérience réciproque. Ils reçoivent beaucoup () mais ils ouvrent de façon remarquable les perspectives des garçons dont ils partagent le quotidien", explique-t-elle.
Dans ce berceau des puissants de demain, Ammar s'enthousiasme pour le système d'enseignement: quand au Liban il suivait 14 matières avec un apprentissage basé sur le "par coeur", à Eton il se concentre sur trois matières - maths, maths renforcées et physique - et "expérimente" le savoir en laboratoire, ce qui était impossible à Tyr.
"Notre objectif est de trouver les garçons et les filles les plus doués au sein des communautés les plus défavorisées au Moyen-Orient afin de donner chaque année à 100 filles et garçons la meilleure éducation internationale. Avec l'espoir que dans 20 ans, 2.000 soient prêts à jouer un rôle majeur dans la renaissance du Moyen-Orient", a déclaré Ali Erfan, l'homme d'affaires irano-britannique fondateur de Cogito Scholarship qui finance les 50.000 dollars de frais annuels d'Ammar.
En deux ans d'existence, la fondation a aidé six autres jeunes, dont la Marocaine Hind Ait Mout qui étudie depuis la rentrée au UWC Atlantic College, au Pays de Galles. Une jeune Syrienne, Mai Al Jounde, devait la rejoindre mais n'a pu le faire faute de visa. Jusqu'à la bonne nouvelle, tombée en novembre: visa accepté.
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