Après huit mois de crise, le constructeur automobile japonais Nissan et le gouvernement français sont parvenus à un compromis encadrant l'influence de l'Etat au sein de Renault, a annoncé ce dernier vendredi.
Cet "accord de stabilisation" entre les deux plus importants actionnaires de l'entreprise française maintient les droits de vote double de l'Etat, pomme de discorde, mais établit un contrat prévoyant qu'ils ne seront employés que dans des cas "exceptionnels", a souligné le PDG de Renault et Nissan, Carlos Ghosn.
M. Ghosn, lors d'une conférence de presse téléphonique, a évoqué par exemple les dossiers "relatifs à des fusions, des cessions importantes ou de manière générale des choses qui remettent en cause la présence de Renault en France".
Dans les autres cas sera mis en place un plafonnement des droits de vote de l'Etat à 17,9%, portés jusqu'à 20% en cas de quorum inhabituellement élevé à l'assemblée générale des actionnaires.
Cet accord "mûrement réfléchi" doit encore être finalisé sur certains volets techniques, mais "il n'y a pas de débat sur le fait qu'il y a une volonté ferme de mettre tout cela derrière nous et d'aller de l'avant", a martelé M. Ghosn, qui a aussi assuré que "l'alliance (Renault-Nissan) sort renforcée de ce débat, et assainie" et dit ne pas penser "qu'il y aura des traces" de la bisbille avec l'Etat.
Dans un communiqué publié à l'issue d'une réunion ordinaire de ses 19 administrateurs vendredi, Renault a salué un "accord solide qui pérennise l'Alliance" industrielle franco-japonaise, formée en 1999 et chahutée ces huit derniers mois.
A l'origine de ces remous, la décision du gouvernement de faire monter l'Etat de 15 à 19,7% du capital de l'ancienne Régie nationale, le 8 avril. Il a ainsi réussi à imposer l'application de la loi "Florange" qui récompense les détenteurs d'actions de long terme par l'octroi de droits de vote double, et donc à accroître son influence.
Le coup de force a déplu à Nissan. Renault détient 43,4% du capital du constructeur japonais, tandis que ce dernier contrôle 15% de Renault. Mais réglementairement, Nissan ne jouit pas de droits de vote chez Renault bien que son activité représente aujourd'hui plus du double de celle de son partenaire.
- Le cours souffre en Bourse -
Le cabinet du ministre de l'Economie Emmanuel Macron, en pointe dans ce dossier depuis le début, n'avait pas réagi vendredi en début de soirée.
L'accord inclut la "non-activation des droits de vote de Nissan dans Renault", alors que la firme, selon la presse nippone, avait fait planer une telle possibilité pour contrer l'influence de l'Etat français.
Enfin, il prévoit "un contrat entre Renault et Nissan ayant pour objet la non-interférence de Renault dans la gouvernance de Nissan".
Le directeur de la compétitivité de Nissan, Hiroto Saikawa, a souligné qu'en cas de violation de ce dernier point, "Nissan aurait le droit d'augmenter sa part" dans Renault. Et "si Nissan détient plus de 25%, Renault n'aura plus de droits de vote (chez Nissan), donc il y aura un effet dissuasif", a-t-il développé depuis le siège de Nissan, à Yokohama.
Le délégué central CFE-CGC (premier syndicat) de Renault, Bruno Azière, a estimé pour sa part qu'"il était temps que cette histoire trouve un terme car cette situation commençait à interférer dans l'opérationnel". "L'Etat conserve les votes doubles pour les décisions interférant sur les opérations en France, c'est visiblement maintenu, cela nous va bien", a-t-il ajouté.
Pour le représentant de la CGT Fabien Gâche, cet accord "ne change pas grand chose à part éviter que l'un accapare l'autre d'un point de vue juridique ou capitalistique". Pour lui, "il ne résout pas le déséquilibre dans le quotidien de l'alliance au profit de Nissan, qui impose ses choix sur un certain nombre de projets et les stratégies de vente, les salariés sont complètement ignorés".
Le titre Renault a souffert vendredi à la Bourse de Paris, perdant 5,28% à 87,84 euros dans un marché à -1,84%, malgré un léger redressement en fin de séance après l'annonce de l'accord. Son cours est globalement équivalent à celui auquel le gouvernement avait acquis une part supplémentaire du capital en avril.
Alors que M. Macron a promis mardi que l'Etat redescendrait à 15% "dès que ce sera possible", M. Ghosn a indiqué qu'"il n'y a aucune raison de douter pour nous" que le gouvernement tiendra parole. "On n'est pas à quelques semaines près", a-t-il dit.
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