Dans "Le Dernier jour d'Yitzhak Rabin", en salles mercredi, le cinéaste Amos Gitaï rouvre vingt ans après la "plaie" de l'assassinat du Premier ministre israélien signataire des accords d'Oslo et prix Nobel de la paix, intervenu dans un climat de haine qui n'a pas disparu selon lui.
"Mon but n'était pas de créer un culte de la personnalité autour de Rabin, ni de le remplacer par un acteur. J'ai plutôt cherché à enquêter sur la campagne d'incitation à la violence qui a conduit à son assassinat", a expliqué à l'AFP le réalisateur de 65 ans, présentant le film en compétition à la Mostra de Venise en septembre.
Pour Amos Gitaï, cet événement est une "plaie ouverte dans l'histoire contemporaine israélienne".
Le 4 novembre 1995 à Tel-Aviv, quelques minutes après avoir prononcé un discours devant plusieurs dizaines de milliers de manifestants pour la paix, Yitzhak Rabin était abattu de trois balles dans le dos.
Son meurtrier, Yigal Amir, était un militant d'extrême droite farouchement opposé aux accords d'Oslo avec les Palestiniens, pour lesquels Yitzhak Rabin, Yasser Arafat et Shimon Peres avaient obtenu le prix Nobel de la paix en 1994.
Pour revenir sur ce drame, Amos Gitaï s'est appuyé sur des documents d'archives, vidéos et photographies datant des mois qui ont précédé et suivi l'assassinat.
Il a pu accéder aux retranscriptions des audiences de la commission d'enquête nommée pour élucider les circonstances de l'assassinat du Premier ministre.
Amos Gitaï a aussi utilisé des images télévisées de discours d'hommes politiques, parmi lesquels Benjamin Netanyahu, lors de virulentes manifestations contre les accords d'Oslo.
Le film, qui a nécessité deux ans de recherches, mêle images d'archives et reconstitutions fictives.
"La difficulté a consisté à trouver le bon équilibre" entre les deux, souligne le cinéaste, auteur de nombreux films sur la société israélienne ("Kadosh", "Kippour", "Alila", "Ana Arabia").
- 'Toujours dans la crise' -
Avec ce film, Amos Gitaï a voulu donner un nouvel éclairage à cet assassinat, en s'efforçant de le replacer dans son contexte politique et sociétal.
L'enquête officielle s'en est tenue "aux échecs opérationnels: la pagaille à l'israélienne, le garde du corps qui regarde dans la mauvaise direction, le chauffeur qui oublie de mettre la sirène sur le toit de la voiture et retarde l'évacuation de précieuses minutes", regrette-t-il.
Elle a négligé "les forces sous-jacentes qui s'étaient fixé pour but de tuer Rabin", ajoute le réalisateur, qui vit entre la France et Israël.
Pour lui, "son assassinat est le point final d'une campagne haineuse, menée par des rabbins délirants, des colons opposés à tout retrait des Territoires palestiniens et la droite parlementaire, au premier rang de laquelle le Likoud, déjà mené par Benjamin Netanyahu (actuel Premier ministre), qui voulait déstabiliser le gouvernement travailliste".
Le film se veut également une contribution à la postérité de Rabin.
"Rabin était un vrai patriote israélien même si ce terme a depuis été accaparé par la droite. Il voulait stabiliser l'existence d'Israël par un accord de paix avec les Palestiniens et il avait compris que la paix ne se fait pas de façon unilatérale, qu'il faut reconnaître et prendre en compte l'existence de l'autre", souligne Amos Gitaï.
Pour lui, "aujourd'hui, l'autre n'existe pas". "Tout est unilatéral et fondé sur l'arrogance politique".
Vingt ans après la mort d'Yitzhak Rabin, Amos Gitaï "s'alarme" de la propagation d'un extrémisme juif religieux violent et souterrain, qui menace selon lui les fondements démocratiques mêmes d'Israël.
Les hommes qui ont rendu possible un tel assassinat "sont toujours là", affirme le réalisateur. "Nous sommes toujours dans la crise créée par la disparition de la scène politique de Rabin et de sa vision".
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