Renault réunit une nouvelle fois son conseil d'administration vendredi, alors que les tractations entre son partenaire japonais Nissan et le gouvernement français sur l'influence renforcée de l'Etat au sein du constructeur automobile pourraient enfin connaître une percée.
"Nous sommes prudemment optimistes quant à un accord" entre Nissan et l'Etat, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. "Nous nous concentrons sur un accord qui rétablirait l'équilibre de l'alliance" Renault-Nissan, a-t-elle ajouté sous couvert d'anonymat.
"Echéance importante" selon le PDG Carlos Ghosn, la réunion des 19 administrateurs de la firme au losange constitue l'énième étape d'un feuilleton qui dure depuis huit mois.
A l'origine de ces tensions, la décision du gouvernement socialiste de faire monter l'Etat de 15 à 19,7% du capital de l'ancienne Régie nationale, le 8 avril. Il a ainsi réussi à imposer en assemblée générale des actionnaires l'application de la loi "Florange" qui récompense les détenteurs d'actions de long terme par l'octroi de droits de vote double.
L'Etat, qui pourra exercer de tels droits dès la prochaine AG, s'y est de facto assuré une minorité de blocage, même s'il redescend d'ici là à 15% comme le ministre de l'Economie Emmanuel Macron le promet.
Le coup de force a déplu à Nissan, également dirigé par M. Ghosn. Les deux entreprises sont liées depuis 1999, Renault détenant 43,4% du capital du constructeur japonais, tandis que ce dernier contrôle 15% de Renault.
Toutefois, au titre de la réglementation sur l'"autocontrôle", Nissan ne jouit pas de droits de vote chez Renault bien que son activité représente aujourd'hui plus du double de celle de son partenaire hexagonal. Selon la firme japonaise, l'influence accrue des pouvoirs publics français est de nature à déséquilibrer l'alliance.
- Positions compatibles ? -
Après une précédente réunion début novembre sans grand résultat, les négociations pour trouver un compromis acceptable par les deux parties semblent bien engagées, selon la source proche du dossier: l'Etat renoncerait ainsi à utiliser ses droits de votes doubles en dehors des "décisions stratégiques".
L'idée est de parvenir à "un accord sur les circonstances lors desquelles ces votes seront actionnés, et celles lors desquelles ils ne le seront pas", a-t-elle souligné.
Une piste qui paraît compatible avec la position de M. Macron. A l'Assemblée nationale, il a affirmé mardi que "notre priorité est aujourd'hui de conserver une minorité de blocage en assemblée générale, c'est-à-dire de sanctuariser la capacité de l'Etat sur des décisions structurantes".
Le ministre n'a pas précisé ce qu'il entendait par "décisions structurantes", et notamment si cela incluait l'accord de compétitivité conclu entre Renault et les syndicats en 2013.Ce pacte qui expire fin 2016 engage le constructeur au losange à maintenir ses usines en France, en échange d'efforts des employés sur le temps de travail et les salaires, pour baisser le coût de la main-d'oeuvre.
La source proche du dossier a indiqué que les décisions sur lesquelles l'Etat français pourrait exercer ses votes doubles concerneraient par exemple "les fusions, cessions et acquisitions", ainsi que la question de l'empreinte industrielle de Renault en France.
Elle a toutefois laissé entendre qu'il restait des questions à résoudre avant un accord, car "ce n'est pas un problème simple".
S'il sont officialisés, de tels aménagements aboutiraient à un système "peu lisible, à deux vitesses", prévient de son côté Charles Pinel, associé chez Proxinvest, société qui conseille justement les investisseurs sur leur politique d'engagement et d'exercice des droits de vote. Pour lui, "les investisseurs, notamment étrangers, ne vont pas comprendre" cette nouvelle couche de complexité et cela pourrait peser sur le cours de Bourse de Renault.
Mardi, M. Macron a redit que l'Etat cèderait ses parts acquises en avril "dès que cela sera possible", en relevant que les discussions en cours "font de nous un acteur initié qui ne peut pas intervenir sur le marché".
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