Un notaire parisien qui avait voulu vendre aux enchères la seule copie complète du manuscrit des "Mémoires d'outre-tombe" de Chateaubriand, a été condamné jeudi à 25.000 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Paris, qui en a ordonné la confiscation.
Le notaire Pascal Dufour, déclaré coupable d'abus de confiance, va faire appel, a annoncé à l'AFP son avocat, Me Patrick Maisonneuve. Dans son intérêt, mais aussi dans celui du manuscrit, a-t-il ajouté.
Le tribunal a suivi le parquet dans ses réquisitions contre le notaire, mais pas pour le devenir du manuscrit. La procureur Aude Ab Der Halden avait demandé aux juges de ne pas se prononcer sur la restitution du manuscrit, afin que l'Etat puisse, comme le prévoit la loi, en devenir propriétaire, sous réserve des droits des tiers. Le tribunal a ordonné la confiscation du manuscrit, actuellement sous scellés à la Bibliothèque nationale de France (BNF).
A l'audience, le notaire avait dit souhaiter "en faire donation à la BNF, si elle l'accepte".
Les racines de cette affaire plongent jusqu'au milieu du XIXe siècle. En 1836, après des revers de fortune, François-René de Chateaubriand cède à ses éditeurs, Delloye et Sala, les droits pour la publication posthume de ses "Mémoires" contre 156.000 francs et une rente viagère mensuelle de 12.000 francs.
Chateaubriand garde auprès de lui une copie du manuscrit, destiné à être remanié jusqu'à sa mort, qui surviendra en 1848. Un exemplaire est remis à l'éditeur, l'autre au notaire de celui-ci.
En 1847, Chateaubriand envoie une nouvelle version, qui vient remplacer la précédente dans une caisse fermée à trois clés chez le notaire, Me Cahouet.
Le manuscrit, écrit par des secrétaires de l'écrivain et homme politique, et signé de sa main, est resté ensuite à l'étude de Jean Dufour, successeur de Me Cahouet. Jusqu'à ce qu'en 2012, Pascal Dufour, descendant de Jean Dufour, craignant que le manuscrit dégrade ou soit volé, songe à le vendre aux enchères.
- Transaction avortée à 550.000 euros -
Il aurait fallu que le manuscrit soit "dans d'autres mains plus à même d'en respecter la valeur, l'existence", avait expliqué Pascal Dufour, 58 ans, lors de l'audience le 10 septembre.
La vente était programmée pour le 26 novembre 2013 à l'hôtel Drouot. Le manuscrit est estimé à 400.000 ou 500.000 euros. Mais, au dernier moment, la société organisatrice annonce une cession de gré à gré auprès de la BNF.
La ministre de la Culture de l'époque, Aurélie Filipetti, salue une "acquisition exceptionnelle" de l'État, "à la suite d'un accord amiable avec le propriétaire". Mais la transaction, pour un montant envisagé de 550.000 euros, n'a finalement pas eu lieu.
Le parquet de Paris avait ouvert une enquête, à l'issue de laquelle il a considéré que le notaire n'était que dépositaire du manuscrit, pas son propriétaire, et qu'il n'avait en aucun cas le droit de le vendre.
Pascal Dufour, lui, se considère propriétaire du document par une tradition familiale vieille de 160 ans, car le manuscrit a, selon lui, été abandonné par l'éditeur. Ce dernier avait récupéré deux portefeuilles en 1850 auprès du représentant de la succession Cahouet et fait acter sur procès verbal: "je lui laisse les autres".
Dans son jugement, le tribunal a considéré que "le verbe +laisser+ était équivoque, puisqu'il peut vouloir dire +laisser en dépôt+ et s'il y avait eu une réelle intention de transmettre cette propriété, les verbes +abandonner+ ou +donner+ auraient été plus logiques".
Lecture que conteste Me Maisonneuve, qui va donc "proposer à la cour d'appel de se pencher sur la sémantique pour le moins étonnante du tribunal".
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