Le Front national à la porte des conseils régionaux, la gauche qui tente de limiter les dégâts, la droite qui s'accroche : voici les principaux enjeux du second tour des régionales.
Combien le FN peut-il gagner de régions ?
Arrivé en tête dans six régions métropolitaines sur treize au premier tour, le FN est en position de force pour l'emporter en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Paca, où Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen ont franchi dimanche la barre des 40% de voix. En outre, le maintien en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine de la liste de gauche de Jean-Pierre Masseret, troisième au premier tour, malgré les injonctions du PS, renforce les chances de la tête de liste FN, Florian Philippot, de s'imposer en triangulaire.
"Une région au FN, c'est quasiment certain", dans les deux autres ça reste plus serré, estime Jean-Daniel Lévy de Harris Interactive. Le FN peut également créer la surprise en Bourgogne-Franche-Comté, où sa candidate Sophie Montel est sortie largement en tête dimanche, ou en Normandie. Il reste en course en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, si des électeurs de droite délaissent la liste de Dominique Reynié (LR), distancée au premier tour, pour se reporter sur celle du FN Louis Aliot.
La gauche peut-elle limiter les dégâts ?
Avant le premier tour, la gauche semblait en mesure de conserver trois régions : Bretagne, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Malgré son mauvais score du premier tour, la poussée du FN au détriment de la droite lui permet désormais d'espérer l'emporter dans deux ou trois régions supplémentaires. Comme le Centre-Val-de-Loire, la Normandie, mais aussi l'Ile-de-France, où l'écart entre droite et gauche reste très serré, ou encore en Bourgogne-Franche-Comté.
"Cinq régions, ça ne paraît pas impossible", estime Bruno Jeanbart de l'institut OpinionWay, mais beaucoup dépend selon lui de la qualité des reports de voix au sein de la gauche. Autre inconnue, quelle sera l'attitude des électeurs du FN au second tour dans des régions, comme le Centre ou la Normandie, où le FN n'a guère de chance de l'emporter ? "Un vote utile" de leur part en faveur de la droite, et la gauche perdrait ses chances de s'imposer.
Avec une victoire dans cinq régions, la gauche ferait jeu égal avec la droite et effacerait partiellement la perte de ses deux bastions historiques, PACA et le Nord-Pas-de-Calais, où elle a retiré ses listes et sera absente du nouveau Conseil régional.
Succès ou revers pour la Droite ?
La droite, qui comptait sur ces régionales pour infliger une nouvelle défaite à la gauche à 18 mois de la présidentielle de 2017, doit revoir ses ambitions à la baisse. Si elle peut espérer l'emporter dans la moitié des régions, elle n'est guère favorite qu'en Pays-de-la-Loire et Auvergne-Rhône-Alpes. Ailleurs, elle s'apprête à livrer avec ses alliés du centre des duels serrés contre le FN dans le nord et en PACA, et des triangulaires tout aussi disputées dans toutes les autres régions. "Le plus probable c'est qu'elle se situe aujourd'hui entre cinq et sept régions", estime Bruno Jeanbart. En Ile-de-France, le poids lourds des régions, la liste de Valérie Pécresse (LR-UDI-MoDem) est au coude à coude avec celle de Claude Bartolone (PS-EELV-FG).
Mais la droite, qui dispose de moins de réserves de voix que la gauche, doit compter sur des électeurs du Front national du premier tour et de mauvais reports à gauche pour l'emporter. "Si les deux phénomènes jouent pour elle - mauvais reports à gauche et un peu de vote utile FN -, elle sera dans la fourchette haute. Si aucun des deux ne joue, elle peut se retrouver avec quatre régions", résume Bruno Jeanbart. Avec moins de régions que la gauche, la "vague bleue" annoncée se transformerait en cuisante défaite.
Quels reports de voix au second tour ?
L'issue du scrutin dépend dans la plupart des régions des reports de voix d'entre-deux tours. La gauche s'est globalement rassemblée, mais la dureté de la campagne de premier tour peut laisser des traces. "C'est sûr que quand on fait campagne pendant des semaines et des semaines contre la liste socialiste, c'est délicat de dire que le PS était le grand méchant loup, mais qu'il faut ensuite s'allier avec lui", souligne Yves-Marie Cann, de l'institut Elabe. Selon les sondeurs, les reports seraient un peu meilleurs du côté des écologistes d'EELV que du Front de Gauche, vers les listes de gauche fusionnées. La droite, elle, peut compter sur le report d'une partie des voix des électeurs de Debout la France au premier tour, qui se repartissent généralement entre droite, FN et abstentions.
Situation encore plus complexe en PACA et Nord-Pas-de-Calais-Picardie, où les électeurs de gauche sont appelés à voter pour les candidats de droite, Christian Estrosi et Xavier Bertrand, contre qui ils ont féraillé pendant des mois, pour faire barrage au FN. En PACA, "il y aura un très mauvais report de voix", prédit la candidate EELV du premier tour Sophie Camard. Et les reports du Front de Gauche s'annoncent encore plus compliqués.
Vers un sursaut de participation ?
Les électeurs se déplacent traditionnellement plus au second tour d'une élection. Lors des régionales de 2010, la participation avait gagné 4 points entre les deux tours. Mais les spécialistes s'attendent à de fortes différences entre les régions à fort enjeu, Paca ou le nord de la France, et d'autres, où le scrutin et moins médiatisé. Un réveil civique ne semble pas de nature à inverser la tendance et peut même renforcer le Front national. "On l'a vu lors des élections précédentes, souligne Bruno Jeanbart. Le FN est capable d'aller chercher des abstentionnistes entre les deux tours".
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