"Quand va-t-on enfin passer à l'action?" Des adultes de tous âges se sont portés volontaires après les attentats de janvier pour aider à défendre les valeurs de la laïcité dans les écoles. Dix mois plus tard, ils se disent exaspérés de l'immobilisme de l'Education nationale.
Mercredi, lors de la 2e édition de la Journée de la laïcité -fixée le 9 décembre, jour anniversaire de la promulgation de la loi séparant les Eglises et l'Etat-, quelques rares interventions s'effectueront.
Après Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, "tous les regards se sont tournés vers l'école, à la fois raison d'espérer et catalyseur des difficultés que traverse notre société", rappelait récemment la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Le ministère a reçu des milliers de courriels de personnes prêtes à aider, et "pour ne pas laisser le soufflé retomber, nous avons créé la réserve citoyenne".
Le principe est simple. Le ministère propose aux citoyens désireux de s'engager auprès des élèves de s'inscrire sur un site. Après validation de leur candidature, ils sont censés être appelés, à partir de la rentrée 2015, pour des interventions ponctuelles devant des classes.
Début décembre, ils étaient 5.400, de 18 à 94 ans, à s'être inscrits. Et à attendre. Car rien ne vient, malgré le nouveau coup de semonce que furent les attentats du 13 novembre.
Invités la semaine dernière à la Sorbonne, une bonne centaine de réservistes parisiens ont laissé éclater leur mauvaise humeur, s'en prenant vertement aux représentants du ministère et du rectorat.
"Nous sommes en colère! Nous sommes inscrits depuis février pour certains d?entre nous, nous sommes en décembre et il n'y a toujours rien", s'énerve un participant, après plus d'une heure de discours officiels. "Nous avons envie d'agir, d'être utiles!"
Karine Miermont, inscrite dès février, se dit "sidérée". "Ces personnes nous disent à quel point la situation est critique, que l'urgence est là. Mais rien ne bouge. Je suis triste et inquiète que l'on fasse de la com' et de l'affichage par les temps qui sont les nôtres", déclare à l'AFP cette écrivain, mère de deux grands enfants.
- "On peut leur faire des suggestions!" -
Même incompréhension chez Anne Richebourg, journaliste à la retraite. "Méfiance, blocage, absence totale d'idées, d'initiatives et d'enthousiasme" du côté de l'Education nationale, déplore-t-elle. "S'ils ne savent pas ce qu'ils veulent faire de nous, on peut leur faire des suggestions!"
Tous racontent le même parcours: inscription sur le site, pour beaucoup dès l'hiver dernier. Un mail en juin confirmant leur inscription, accompagné pour certains d'une demande d'extrait de casier judiciaire. Puis plus rien jusqu'à l'invitation à une "table ronde" à la Sorbonne, le 16 novembre, reportée au 3 décembre à cause des attentats.
Aucune intervention in situ, aucun guide pratique. En province, même son de cloche. Des interventions au compte-goutte dans certaines académies.
"C'est un gros changement culturel qu'on demande à l'Education nationale", tempère Adrien Saumier, 33 ans, lui aussi "réserviste". "Intégrer des citoyens lambdas dans des projets pédagogiques, c'est tout neuf", souligne le jeune homme, élu politique et spécialiste de la communication numérique.
Vincent Dupriez, spécialiste de l'éducation à l'université de Louvain (Belgique) soulignait récemment la réticence de l'école française à s'ouvrir sur le monde extérieur, contrairement aux établissements scandinaves ou anglo-saxons.
Un collège de l'Essonne recevra son premier "réserviste" mercredi. Un responsable d'association et cadre en entreprise viendra parler de la Charte de la laïcité, autre outil de l'arsenal mis en oeuvre par le ministère pour promulguer les valeurs de la République.
"C'est bien d'avoir un regard extérieur à l'Education nationale. Mais c'est aussi compliqué quand on ne connaît pas les gens. Il nous faut être vigilants", déclare le principal de l'établissement.
Du côté du ministère, on rappelle que cette réserve citoyenne existe depuis peu et qu'il faut du temps aux établissements pour définir leurs projets. La rue de Grenelle veut aussi augmenter la notoriété de ce dispositif auprès des équipes pédagogiques, et réfléchit à la création d'une application permettant aux enseignants de consulter un fichier de profils de réservistes disponibles, afin de fluidifier la procédure.
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