Calé au fond de son fauteuil roulant, le petit Nathan n'est pas très réceptif à ce qui se passe autour de lui, jusqu'au moment où la médiatrice lui fait caresser le dos de la chienne Hizzy avec son pied nu Alors tout change.
Comme d'autres enfants polyhandicapés pris en charge par l'association Caroline Binder de Colmar, Nathan participe ce vendredi à une séance de médiation animale, une technique qui connaît une forte expansion en France depuis quelques années.
Dans cet établissement alsacien, la médiation animale est utilisée en complément des thérapies conventionnelles, comme la balnéothérapie et la kinésithérapie.
Hizzy, sympathique bâtard ébouriffé aux grandes oreilles, Atchoum le lapin bélier au doux poil couleur cappuccino et les deux cochons d'Inde Cacahuète et Moustique ont fait spécialement le déplacement jusqu'au centre, en compagnie de l'intervenante en médiation animale Emeline Chancel.
"On prend tout ce qui est possible au niveau sensoriel: les mains, les pieds, le cou, les oreilles, tant que le plaisir est là", explique la jeune femme de 27 ans, qui a enfin trouvé comment susciter des réactions chez Nathan, après plusieurs tentatives infructueuses.
Son intervention auprès de ces enfants qui ne parlent pas, âgés ce jour-là de 6 à 19 ans, répond à un double objectif: avant tout leur procurer du plaisir, ensuite développer leur potentiel affectif, moteur et cognitif à travers le contact avec les animaux.
- Stimulation sensorielle -
Au fil des séances, la médiatrice, entourée d'éducatrices du centre, détermine quel animal est le mieux adapté à chaque enfant. Ce n'est pas forcément Hizzy, l'animal avec lequel les interactions peuvent être les plus variées, qui est le plus à même de faire progresser chacun d'entre eux.
Si certains enfants travaillent la coordination motrice et le contrôle des gestes stéréotypés en lançant une balle à Hizzy, pour d'autres la stimulation sensorielle apportée par l'animal, la texture de ses poils, sa chaleur, les sons qu'il émet, son odeur, se trouvent au centre de la séance.
C'est le cas pour la petite Lena. Emeline Chancel a posé délicatement le cochon d'Inde Cacahuète sur ses genoux. Pendant un moment l'enfant rit, semblant apprécier la présence de l'animal, avant de se recroqueviller à nouveau sur elle-même.
"On a mis un an pour qu'elle accepte les pattes du cochon d'Inde sur ses genoux", explique Elisabeth Riss, éducatrice, qui se souvient que la petite fille ne voulait pas se laisser toucher lors des premières séances.
Au départ, Taha non plus ne voulait pas du tout entrer en contact avec les animaux, mais il s'est ouvert au fil des séances. "Ecoute! Qu'est ce qu'il te raconte?", lui murmure Emeline Chancel, alors que le cochon d'Inde Moustique émet des petits couinements depuis les genoux du jeune garçon.
Ténus, voire invisibles pour un observateur non averti, les progrès des participants sont autant de petits miracles pour ceux qui fréquentent au quotidien ces enfants souffrant de lourdes déficiences intellectuelles et motrices.
"D'une fois sur l'autre, ils se rappellent du plaisir qu'ils ont eu et ils ont des gestes qui les poussent à dépasser les limites de leur corps d'enfant polyhandicapé, dans lequel ils sont enfermés", explique Marie-Caroline Brendel, chef de service au sein du centre.
Titulaire d'un diplôme de zoothérapie obtenu à Montréal, Emeline Chancel intervient pour l'association Evi'dence, fondée par Patricia Arnoux, autre intervenante en médiation animale qui se concentre à présent avec ses animaux sur les interventions en milieu carcéral.
Selon Didier Vernay, responsable pédagogique du diplôme universitaire en relation d'aide à la médiation animale de l'université d'Auvergne, on assiste à une "montée quasiment exponentielle de la médiation animale en France depuis quelques années", bien qu'elle n'ait "pas de cadre réglementaire à ce jour".
"Pour les interventions dans les maisons de personnes âgées avec des chiens, je pense qu'on peut poser un cadre réglementaire mais c'est encore un peu tôt pour les interventions avec les enfants: il ne faut pas limiter trop tôt ce potentiel fabuleux", estime M. Vernay.
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