La cour d'appel de Paris doit se prononcer jeudi sur le litige qui oppose Bernard Tapie au Crédit lyonnais autour de la revente d'Adidas, il y a 20 ans, pour lequel l'homme d'affaires réclame un milliard d'euros.
A l'audience au civil le 29 septembre, l'homme d'affaires avait réclamé entre 516 millions et 1,174 milliard d'euros en réparation du préjudice économique et moral qu'il estime avoir subi lors de la revente de l'équipementier en 1994 à l'homme d'affaires Robert Louis-Dreyfus. Soit beaucoup plus que les 400 millions d'euros accordés en 2008 par un tribunal arbitral privé, dans une sentence depuis annulée par la justice et entachée du soupçon d'escroquerie.
Un arrêt de la cour d'appel donnant satisfaction à Bernard Tapie, 72 ans, et lui offrant de facto le statut de victime des actions du Crédit lyonnais, fragiliserait l'enquête pénale sur l'arbitrage qui lui vaut d'être mis en examen pour escroquerie en bande organisée et détournement de fonds publics par personne privée.
Cinq autres personnes, dont l'actuel patron d'Orange Stéphane Richard, sont mis en examen dans ce dossier toujours à l'instruction.
Bernard Tapie estime avoir été trahi par le Crédit lyonnais, son banquier historique, dans la revente d'Adidas.
A l'audience, ses avocats avaient eu des mots très durs pour les représentants de l'ancienne banque publique, "génies malhonnêtes de la finance", qui auraient prémédité la "captation" des avoirs de Bernard Tapie. Pour ses adversaires, l'homme d'affaires était informé du montage et aurait au contraire été sauvé de la faillite par le Lyonnais.
En décembre 1992, quand il décide de cesser ses activités économiques, Bernard Tapie est au sommet, ministre de la Ville de François Mitterrand, en pleine ascension politique à Marseille. C'est aussi un homme endetté, selon la partie adverse.
Au tout début des années 1990, il avait acquis Adidas pour 1,6 milliard de francs, appuyé sur un pool bancaire mené par une filiale du Lyonnais, la Société de banque occidentale (SdBO).
- 'Un très, très, très bon prix' -
Fin 1992, un accord avec la SdBO prévoit l'apurement de ses dettes, notamment par la vente de ses parts dans Adidas, soit 80% du capital. Il donne un mandat de vente au Crédit lyonnais pour 2,085 milliards de francs, soit près de 320 millions d'euros.
Au moment où Bernard Tapie prend cette décision, ces deux milliards constituaient "un très, très, très bon prix", avait plaidé l'avocat du CDR, la structure chargée de gérer le passif du Lyonnais.
Deux mois plus tard, le 12 février 1993, les actions étaient achetées à ce prix par huit acquéreurs, dont une filiale du Lyonnais, Clinvest, des sociétés off-shore et une structure luxembourgeoise appartenant à Robert Louis-Dreyfus ("RLD"), décédé depuis. Or, le même jour, ce groupe d'acquéreurs consent une promesse de vente des titres à une autre société de "RLD" pour près de 3,5 milliards de francs, option levée fin 1994.
A l'appui de la thèse du coup monté, le camp Tapie produit une facture d'honoraires de sa proche collaboratrice, Gilberte Beaux : elle y réclame trois millions de francs à la SdBO pour avoir convaincu son patron, qui l'avait placée à la tête d'Adidas, de vendre ses parts avant le 31 mars 1993.
L'homme d'affaires y voit une trahison qui démontrerait la duplicité du Lyonnais.
"Tous les gens raisonnables savaient qu'il fallait vendre et qu'il fallait vendre vite", avait au contraire répondu l'avocat du CDR.
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