Le Parlement britannique s'apprête à voter mercredi, sauf surprise, des frappes aériennes contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie, répondant ainsi aux demandes de son allié la France, dans la foulée des attentats de Paris.
Le Premier ministre conservateur David Cameron a décidé d'organiser ce vote une fois sûr de disposer d'une majorité suffisante en faveur d'une telle intervention.
L'onde de choc des attentats de Paris a bousculé les résistances des députés du parti travailliste, qui peinent toujours à digérer l'intervention en Irak de 2003, sous Tony Blair --l'ex-Premier ministre qui s'est depuis, à plusieurs reprises, excusé sur les défauts de sa planification basée sur de faux renseignements.
Le dernier verrou a sauté lorsque le nouveau leader du parti, le pacifiste Jeremy Corbyn, a autorisé lundi ses députés à voter librement, perdant dans la bagarre sa crédibilité de dirigeant.
"Je développerai mes arguments et j'espère que le plus grand nombre possible de députés me soutiendront", a dit David Cameron mardi. Avec sa courte majorité, il n'était jusqu'ici pas sûr de pouvoir fédérer tous ses députés autour de frappes.
D'après un sondage de l'institut You Gov, publié mercredi dans le Times, 48% soutiennent à présent une telle intervention en Syrie. Ils étaient 59% la semaine dernière.
Mardi soir, environ 4.000 pacifistes ont manifesté devant le Parlement pour tenter de faire entendre leur voix, à l'appel de l'organisation "Stop the War".
Le débat de mercredi pourrait durer jusqu'à plus de 22H00 GMT, a précisé mardi le porte-parole du Premier ministre, satisfaisant partiellement une demande de Jeremy Corbyn d'un débat de deux jours.
M. Cameron devra notamment répondre aux inquiétudes sur les conséquences de telles frappes pour la sécurité du pays, même s'il répète régulièrement que le Royaume-Uni fait déjà face à une "grave menace" des jihadistes.
- Regagner des points -
"La menace d'Isil (un autre acronyme pour l'EI, NDLR) s'est intensifiée", a assuré mardi le secrétaire à la Défense Michael Fallon devant le comité de défense du parlement, citant des chiffres à l'appui: "15 attentats dirigés ou inspirés par Isil dans le monde l'an dernier, et déjà 150 cette année".
Aux yeux des analystes, une telle intervention va redorer le blason d'un pays perçu ces dernières années comme plus préoccupé de lui-même que tourné vers le reste du monde et y jouant du coup un rôle amoindri.
Pour Malcolm Chalmers, directeur de recherche à l'institut RUSI, le Royaume-Uni est en train de regagner des points perdus lorsqu'il a drastiquement coupé son budget défense, voté contre des frappes en Syrie fin août 2013 --à l'époque contre le régime de Bachar al-Assad--, et s'est enlisé dans le débat sur l'indépendance de l?Écosse.
"Tout cela a donné l'impression que le pays préférait se tourner vers lui-même", souligne-t-il. "La volonté de se déployer va calmer les craintes qu'il n'est pas un partenaire fiable", estime-t-il.
Londres est déjà engagé dans la guerre en Syrie via le renseignement et le ravitaillement en carburant des avions de ses alliés. "Une participation aux frappes sera importante symboliquement, utile opérationnellement, mais elle ne changera pas le cours de la guerre", résume l'expert militaire.
"David Cameron n'est pas à l'aise de voir les attaques en Syrie contre l'EI, qui d'une certaine façon réduisent la menace envers le Royaume-Uni, conduites par d'autres forces. Et émotionnellement, il ressent fortement qu'il doit aider la France dans ces temps difficiles", estime le général Ben Barry, de l'Institut international d'études stratégiques (IISS).
La Grande-Bretagne dispose déjà de 8 Tornados et un nombre indéfini de drones qui participent à des frappes en Irak depuis l'an dernier.
Toutefois, pour Ian Bond, du Centre de réforme européenne (CER), cette intervention ne va pas changer "la réticence des dirigeants britanniques à s'impliquer dans les problèmes internationaux", notamment "à s'impliquer dans l'Union européenne comme une grande puissance européenne pourrait l'être".
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