Jusqu'à 40.000 compteurs électriques communicants posés chaque jour: le gestionnaire du réseau de proximité ERDF commence mardi à déployer dans tous les foyers français 35 millions de boîtiers téléopérables Linky, un vaste chantier controversé qui durera six ans.
Finis les passages du technicien chargé de relever les compteurs: la consommation sera mesurée en temps réel et transmise une fois par jour jusqu'au fournisseur d'électricité, permettant une facturation plus précise que celle basée sur des estimations. Et tout cela sans surcoût pour le consommateur.
D'ici à la fin 2021, le territoire français se coloriera progressivement de vert anis, couleur du compteur de nouvelle génération qui peut recevoir des ordres à distance, par exemple pour une mise en service ou un changement de puissance.
Après une expérimentation à grande échelle à Lyon et en Indre-et-Loire, une première vague de trois millions d'appareils sera installée d'ici à fin 2016, avant le lancement de son cousin pour le gaz, Gazpar, par GRDF.
"On ira jusqu'à la pose de huit millions de compteurs par an, soit 40.000 compteurs par jour", souligne auprès de l'AFP, Bernard Lassus, directeur du programme Linky chez ERDF, une filiale d'EDF.
Pas moyen d'y échapper, le remplacement des anciens boîtiers est obligatoire, rappelle le gestionnaire, qui pose avec Linky la première brique des futurs réseaux électriques intelligents ("smart grids"), capables d'intégrer la production intermittente issue des énergies renouvelables.
Pour communiquer, Linky envoie un signal crypté sur le circuit électrique vers un concentrateur, lequel le relaie via le réseau de téléphonie GPRS à ERDF, qui communique l'index aux fournisseurs.
Toutes les données recueillies par l'ensemble des compteurs Linky en France seront analysées dans un centre "d'hypervision" installé à Lyon.
Le client pourra aussi suivre sa consommation journalière sur un portail internet sécurisé. C'est d'ailleurs l'argument phare pour vanter Linky: il inciterait à davantage de modération, avec à la clé une facture allégée.
Mais les bienfaits réels de Linky font débat, notamment les gains liés à la maîtrise de la demande. Ainsi, les données de consommation ne seront accessibles qu'en kilowattheures. Seuls les ménages précaires pourront pour l'heure bénéficier d'un affichage en temps réel et en euros, en vertu de la loi de transition énergétique.
Le gendarme du secteur, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), estime les économies possibles à 1%. "C'est très prudent", insiste Bernard Lassus, même s'il admet qu'elles sont "difficiles à évaluer, car elles dépendent beaucoup du comportement".
- Indolore pour le consommateur -
"Aujourd'hui, on continue à présenter le compteur comme un outil de maîtrise de la demande, alors qu'il ne propose que les volumes de consommation en données brutes. Cela ne parle pas beaucoup aux consommateurs", regrette Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie et environnement à l'UFC-Que Choisir, en plaidant pour "des services d'aide à la consommation".
Or, le développement d'offres plus personnalisées est actuellement freiné, estiment les fournisseurs, par les mesures de protection des données des clients, qui doivent donner leur accord explicite à la collecte, à la transmission et au traitement de leur courbe détaillée de consommation.
"Si les consommateurs ne donnent pas leur accord, () le compteur Linky ne servira pas à grand-chose, à part les relèves à distance", indique Fabien Choné, président de l'Anode, l'association qui regroupe les fournisseurs d'énergie alternatifs, notamment Direct Energie dont il est un dirigeant.
Très favorable aux compteurs communicants afin d'encourager la concurrence, M. Choné craint également que son concurrent EDF ne profite d'une confusion dans l'esprit du public avec le distributeur ERDF, chargé du déploiement.
"Linky est un concept novateur. Toute nouveauté suscite des interrogations. Elles sont saines, car les gens mettent parfois le doigt sur des problèmes que les concepteurs n'avaient pas vu", note l'ancien ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo, dans le magazine d'ERDF à paraître en décembre.
Pour le portefeuille des clients, le remplacement des anciens compteurs devrait être indolore, si le budget est respecté. La pose n'est pas facturée et l'investissement sera financé par les économies générées par Linky, notamment sur la relève des index.
Selon ERDF, la fabrication (par Sagemcom, Landis+Gyr, Itron) et la pose (Solutions 30, Satelec, GMV) des appareils devrait générer 10.000 emplois en France et compenser la baisse de régime progressive des relèves, qui mobilisent environ 2.000 personnes.
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