Après deux semaines d'audience, le parquet général prononce mardi à Poitiers ses réquisitions au procès en appel des anciens élus de La Faute-sur-Mer (Vendée), condamnés à de la prison ferme en première instance pour la mort de 29 personnes lors du passage de la tempête Xynthia en 2010.
René Marratier, maire de la station balnéaire de 1989 à 2014, Françoise Babin, son ancienne adjointe à l'urbanisme, et le fils de cette dernière, Philippe Babin, devraient être fixés en milieu de journée sur les peines demandées à leur encontre par l'avocat général, Thierry Phelippeau, devant la cour d'appel de Poitiers.
Réfutant toute responsabilité dans le drame et ses 29 morts, tous trois avaient fait appel après avoir été lourdement condamnés par le tribunal correctionnel des Sables d'Olonne, le 12 décembre 2014. M. Marratier, toujours conseiller municipal de La Faute-sur-Mer, avait écopé de quatre ans de prison ferme, Mme Babin de deux ans ferme et 75.000 euros d'amende, et son fils de 18 mois ferme.
Ils sont rejugés à Poitiers depuis le 16 novembre pour "homicides involontaires" et "mise en danger de la vie d'autrui", des délits passibles de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.
Deux sociétés de BTP locales, gérées à l'époque des faits par feu Patrick Maslin, décédé au cours du procès aux Sables d'Olonne, sont également poursuivies en tant que personnes morales.
Après les réquisitions du ministère public, les avocats des prévenus devraient plaider mercredi à nouveau la relaxe de leurs clients, "boucs émissaires d'une catastrophe naturelle", arguent-ils.
Tout en admettant quelques "failles" et ses "regrets", René Marratier n'a pas modifié pendant les débats sa ligne de défense: "jamais je n'aurais pu imaginer une telle catastrophe", a répété l'ancien maire, auquel il est reproché de n'avoir pas informé la population des risques de submersion marine et d'inondation fluviale, dans cette commune située sur une presqu'île sablonneuse, bordée à l'ouest par l'océan et à l'est par l'estuaire de la rivière du Lay.
- 'Cercueil à ciel ouvert' -
Concernant les permis de construire en zone inondable, délivrés avec son ancienne adjointe, Françoise Babin, qui présidait la commission d'urbanisme de la mairie depuis 1989, tout en exerçant une profession d'agent immobilier, les deux élus ont soutenu n'avoir pas eu les compétences nécessaires et avoir fait confiance aux services spécialisés de la préfecture.
Pour étayer cette thèse de "responsabilité partagée" entre élus et "services défaillants de l?État", la défense a refait citer comme témoins Thierry Lataste, préfet de la Vendée de juillet 2007 à février 2010, et le sénateur-maire socialiste Alain Anziani, rapporteur d'une mission d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête.
Un argumentaire battu en brèche par les avocats des parties civiles, qui tour à tour jeudi et lundi se sont attachés à démontrer que ces risques étaient parfaitement connus des élus et avaient été "délibérément occultés" pour poursuivre "l'urbanisation à outrance" de la station balnéaire, une population de 750 habitants l'hiver, "multipliée par 30 ou 40" l'été.
Loin du "petit coin de paradis", la commune était devenue "un cercueil à ciel ouvert", où les lotissements avaient poussé sur d'anciennes terres agricoles, en contrebas d'une digue vieillissante et qui aurait dû être rehaussée.
C'est dans ces maisons de plain-pied, qui auraient dû comporter un étage, qu'ont péri noyées, piégées par la brusque montée des eaux, la majorité des 29 victimes, essentiellement des personnes âgées et des jeunes enfants, après la submersion de la digue dans la nuit du 27 au 28 février 2010.
En "l'absence de tout élément nouveau en appel", les avocats des parties civiles ont demandé à la cour la confirmation du jugement et la réparation intégrale des préjudices subis.
Mercredi en fin de journée, les prévenus auront la parole une dernière fois, avant que la cour d'appel ne mette sa décision en délibéré.
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