Le leader du Labour et pacifiste convaincu Jeremy Corbyn a choisi de laisser les députés du parti libres de voter pour des frappes aériennes britanniques en Syrie, ouvrant ainsi la voie à un vote favorable au Parlement.
Cette décision a été annoncée lors d'une réunion de M. Corbyn avec son cabinet fantôme, selon un haut responsable du parti travailliste cité par les médias.
Le Premier ministre conservateur David Cameron doit demander, peut-être dès mercredi, le feu vert du Parlement pour une extension à la Syrie des raids aériens déjà menés en Irak. Mais auparavant, il voulait rassembler un large consensus pour s'éviter un échec -comme fin août 2013- et alors qu'il ne dispose que d'une courte majorité au Parlement.
"Nous avons toujours dit que nous ne reviendrions devant le parlement pour un vote que si nous sentions qu'il y avait une majorité claire (pour)", a rappelé lundi un porte-parole du gouvernement.
Ces derniers jours, plusieurs dizaines de députés travaillistes, choqués par les attentats de Paris, ont laissé entendre qu'ils voulaient voter pour ces bombardements.
Or M. Corbyn a réaffirmé son opposition farouche à cette intervention, selon lui synonyme surtout de victimes civiles. Dimanche encore, il affirmait qu'"aucune décision (n'avait) été prise. Beaucoup de députés hésitent encore".
Finalement, il a décidé de lâcher la bride à ses députés tout en décidant que la position officielle du parti serait contre les frappes. Il veut aussi réclamer à M. Cameron de retarder le vote, le temps d'avoir les réponses qu'il souhaite sur la justification de ces bombardements.
Cette position lui évite un éclatement de son cabinet fantôme, très divisé sur la question, et une rébellion ouverte des parlementaires, dont le vice-président du parti, Tom Watson.
Elle pose toutefois la question de la capacité de Jeremy Corbyn à diriger son parti, à la tête duquel il a été porté par les militants de la base contre la volonté de ses hauts responsables.
"Jeremy doit rassembler ses députés autour d'une ligne. Sinon ce parti va partir dans tous les sens", a averti le parlementaire Gavin Shuker.
-L'ombre de l'Irak-
Que le Labour s'étripe sur une éventuelle entrée en guerre n'est pas nouveau. Surtout, les interventions controversées en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, décidées par le gouvernement travailliste de Tony Blair, ne sont pas cicatrisées.
"L'ombre irakienne plane toujours", souligne Malcolm Chalmers, directeur de recherche à l'institut RUSI.
"L'Irak est au coeur du débat que les travaillistes ont aujourd'hui sur la Syrie, car ils craignent d'être assimilés à une approche +blairiste+ de la guerre", abonde Victoria Honeyman, spécialiste de la politique étrangère du Royaume-Uni à l'université de Leeds (centre).
"Aucun député du Labour n'a oublié comment il a voté en 2003 lorsqu'il s'agissait d'envoyer 179 soldats britanniques à la mort pour trouver des armes de destruction massive qui n'existaient pas. Cela va peser sur leur conscience jusqu'à la fin de leur vie", rappelle le parlementaire Paul Flynn, qui avait voté contre à l'époque.
Reconnaissant que le parti est "terriblement divisé actuellement", il a pour sa part milité pour que chacun puisse décider librement sur une intervention en Syrie.
Même John McDonnell, l'un des plus proches alliés de M. Corbyn, a estimé que "la discipline de parti ne devrait pas intervenir sur de telles questions".
"Le problème avec un vote libre est qu'il offre la victoire à Cameron sur un plateau", a en revanche estimé Diane Abbott, responsable du développement international au sein du Labour.
L'organisation pacifiste Stop the War, qui a rassemblé 5.000 personnes dans les rues de Londres samedi contre ces frappes, a également estimé que ce vote libre allait "les rendre bien plus probables".
Pour le quotidien The Guardian, la position affichée par Corbyn pourrait cependant faire hésiter le gouvernement à aller de l'avant dès cette semaine: les députés hésitants pourraient en effet soutenir sa volonté d'avoir davantage de temps pour réfléchir.
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