Botox, lifting ou liposuccion: jusque-là essentiellement réservée aux femmes, la médecine esthétique se banalise au sein de la gent masculine en Tunisie, signe d'une évolution sociétale sur un sujet longtemps tabou dans ce pays du Maghreb.
A l'heure du "village planétaire", des selfies et des réseaux sociaux, le "culte du corps" se développe et les Tunisiens "vont au bistouri plus facilement", remarque Bouraoui Kotti, médecin spécialisé en chirurgie esthétique, pour expliquer ce phénomène a priori surprenant dans une société aux m?urs globalement conservatrices.
Pour le psychologue Kamel Abdelhak, cette tendance montre "un besoin de puissance, une notion de +suprématie+". "L'homme qui veut mettre en relief son pouvoir financier ou sexuel () va recourir à l'esthétique sous toutes ses formes", selon lui.
Mais ce souci masculin de l'esthétisme a aussi des racines profondes en Tunisie: "Nos ancêtres embellissaient leurs corps" avec des minéraux ou utilisaient du henné pour les cheveux, rappelle-t-il.
La médecine esthétique est aujourd'hui devenue un "sport national", dit-il, et les hommes ne font pas exception.
Hajer Lajnef, un médecin exerçant à Tunis, souligne que les interventions de chirurgie esthétique chez des hommes, désormais "très demandées", concernent d'abord de jeunes adultes qui cherchent une solution à la calvitie précoce ou sont intéressés par une rhinoplastie "par injections", et ensuite par ceux qui misent sur la toxine botulique pour combler des rides.
Cette spécialiste, qui exerce aussi à Paris et Dubaï, dit voir désormais défiler dans son cabinet à Tunis plus de 50 patients masculins chaque mois, majoritairement des hommes aisés, tels que des "chanteurs, acteurs, hommes d'affaires, cadres, vedettes de télévision et politiciens".
Ils ont "le même souci qu'une patiente femme: ils cherchent à effacer les traces du temps, remplir les pommettes ou avoir des lèvres pulpeuses et des queues de sourcils tirées vers le haut", explique-t-elle. "Ils veulent à tout prix être sexy."
Beaucoup d'hommes concernés refusent toutefois d'en parler. Venu se débarrasser de rides au front, un patient âgé de 37 ans préfère ainsi garder l'anonymat mais confie néanmoins à l'AFP: "L'homme a besoin de plaire et de se plaire. Pourquoi se priverait-il de ce que la médecine lui offre pour rester beau ?"
- 'Virilité' -
A contrario, Mohamed Assidi, 34 ans, qui a opté pour le Botox depuis trois ans, assume pleinement "le recours de l'homme à l'esthétique", car selon lui, "cela ne touche en aucun cas à sa virilité". D'ailleurs, si certains amis se moquent de lui, d'autres "réclament des renseignements", dit-il.
Propriétaire d'un salon de coiffure, Mohamed propose lui-même des soins du visage et son local ne désemplit pas.
Abdelraouf sort d'une séance gommage-masque d'argile. "Prendre soin de soi, quoi de plus normal", déclare-t-il. En revanche, pas question pour lui d'avoir recours à la chirurgie esthétique, qu'il estime contraire à la religion musulmane, majoritaire en Tunisie : "Celui qui fait des opérations change ce que Dieu lui a donné, ça c'est +haram+" (un péché), selon lui.
Dans leur quête de perfection, d'autres Tunisiens n'hésitent pourtant pas à subir des interventions chirurgicales lourdes.
"Ces dernières années, nous avons de plus en plus de patients masculins dans nos services de chirurgie", confirme le Dr Amine Zargouni, directeur-adjoint d'une clinique privée.
Chez les quinquagénaires, les opérations les plus pratiquées sont le lifting et la réparation des paupières et des poches, explique-t-il. Mais la demande pour un allongement pénien ou pour un "lipofilling" - qui permet de donner du volume au pénis et aux testicules - est également "importante", relève ce médecin.
Impossible d'obtenir des chiffres nationaux auprès du ministère de la Santé ou de toute autre organisation professionnelle.
Le Dr Zargouni indique avoir reçu une dizaine de patients quotidiennement entre 2010 et 2012, surtout des Européens, puis, du fait de l'instabilité du pays, cette clientèle a été remplacée par des Tunisiens et, à un degré moindre, des Libyens et des Algériens.
Aujourd'hui, estime-t-il, "parler de chirurgie esthétique chez l'homme n'est plus tabou" en Tunisie.
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