Il y a 50 ans, les 5 et 19 décembre 1965, les Français élisaient, pour la première fois au XXe siècle, leur président, un scrutin qui a consacré l'entrée en politique des sondages et de la télévision.
Trois ans auparavant, en 1962, les électeurs avaient massivement approuvé lors d'un référendum le principe de l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct, une réforme voulue par le général de Gaulle contre la plupart des partis politiques.
Depuis que le seul président précédemment désigné par le peuple, Louis-Napoléon Bonaparte en 1848, avait renversé la République pour devenir Napoléon III, ce mode de scrutin sentait en effet le soufre dans la tradition républicaine.
Charles de Gaulle, élu en 1958, lors de l'instauration de la Vème République, par un collège de grands électeurs, n'annonce que début novembre son intention de solliciter un second mandat, à 75 ans.
L'opposition s'agite en revanche depuis deux ans pour préparer cette échéance inédite. L'hebdomadaire L'Express, animé par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, avait dressé le portrait, dès septembre 1963, de "Monsieur X", candidat idéal susceptible de rassembler toute l'opposition non communiste, avant de révéler le nom de cette perle rare: Gaston Defferre, député-maire socialiste de Marseille.
- Mitterrand se déclare -
Mais, confronté aux divergences entre centristes et socialistes, en particulier sur l'école privée, Defferre jette l'éponge en juin 1965.
François Mitterrand, irréductible opposant à de Gaulle depuis 1958, à l'écart jusque là des grands partis, sort alors du bois et se présente, en septembre, comme candidat unique de la gauche. Les socialistes et les radicaux, de même que les communistes (qui ne voulaient pas entendre parler de Defferre) le soutiennent, tandis que les centristes appuient leur chef de file Jean Lecanuet.
Un avocat d'extrême-droite, Jean-Louis Tixier-Vignancourt, qui entend rassembler tous ceux qui ne pardonnent pas à de Gaulle l'indépendance de l'Algérie, et deux personnalités inconnues du grand public, le sénateur Pierre Marcilhacy et le chef d'entreprise Marcel Barbu complètent la palette des candidats qui vont se présenter à la télévision.
Les "étranges lucarnes" - le surnom alors donné aux téléviseurs par le Canard Enchaîné -, habituellement contrôlées par le pouvoir gaulliste, donnent en effet la parole à chacun des candidats lors des émissions de la campagne officielle.
C'est la première fois que la télévision devient le vecteur du débat politique, avec des épisodes pittoresques. Ainsi, Marcel Barbu fond en larmes en direct en lançant : "mon général, les Français vous admirent mais ils ne vous aiment pas".
Le général de Gaulle néglige d'abord cette campagne télévisuelle, n'utilisant pas tout son temps de parole. Il ne se déplace devant les caméras que lorsqu'il prend conscience -grâce à un outil jusque là ignoré des politiques : les sondages d'opinion- que sa réélection au premier tour est compromise. Selon l'Ifop, seul institut alors existant avec la toute jeune Sofres, les intentions de vote en sa faveur passent en effet en quelques semaines de 66% à 43%, au profit de Mitterrand et Lecanuet.
- De Gaulle en ballottage -
Le soir du premier tour, le résultat s'avère globalement conforme aux scores des derniers sondages, même si ceux-ci avaient nettement surestimé Lecanuet. Avec 44,6% des voix, de Gaulle est mis en ballottage, et Mitterrand, avec 31,7%, est qualifié pour le second tour. Lecanuet obtient 15,6%, Tixier-Vignancourt 5,2% et les deux autres candidats se partagent les miettes. Les Français votent massivement: 85% de participation.
Lecanuet ne donne pas de consigne de vote, et par anti-gaullisme, Tixier-Vignancourt appelle à voter Mitterrand. De Gaulle s'investit cette fois à la télévision avec brio, lors de trois entretiens avec le journaliste Michel Droit. Le 19 décembre, il est réélu à la tête de l'Etat par 55,2% des suffrages exprimés, un score relativement modeste qui, moins de trois ans avant la révolte étudiante et ouvrière de mai 1968, révèle l'insatisfaction d'une partie de la société française.
Mais par delà le résultat, l'élection de 1965 consacre une victoire historique du gaullisme en faisant de l'élection présidentielle, et pour des décennies, le moment clef de la vie politique.
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