L'armée américaine a assuré que la cause de son raid contre un hôpital de Médecins sans Frontières qui a fait 30 morts en Afghanistan en octobre était "avant tout l'erreur humaine", une version réfutée par l'ONG qui évoque une "négligence grossière".
Le long bombardement des forces spéciales américaines contre l'hôpital de MSF à Kunduz (nord) dans la nuit du 2 au 3 octobre avait déclenché un tollé international, la présidente de MSF, Joanne Liu, allant jusqu'à évoquer des "soupçons de crime de guerre".
"L'accident tragique mais évitable (a été) causé avant tout par l'erreur humaine", a déclaré mercredi le général américain John Campbell, en présentant le rapport du Pentagone à Kaboul, l'une des trois enquêtes, avec celles de l'Otan et de l'armée afghane.
L'hôpital a été "confondu" avec une autre cible, a-t-il expliqué, soulignant "l'épuisement" des troupes américaines, engagées depuis cinq jours dans de féroces combats contre les talibans à Kunduz, grande ville du nord que ces derniers avaient conquise septembre.
Le général Campbell, qui dirige la totalité des 13.000 soldats étrangers de l'Otan déployés en Afghanistan, dont plus de la moitié sont américains, a assuré que des sanctions seraient prises. Mais ni lui, ni le porte-parole de l'Otan en Afghanistan, le général américain Wilson Shoffner, qui a ensuite pris la parole, n'ont précisé combien de soldats seraient suspendus. Et le général Campbell n'a pas souhaité répondre aux questions des journalistes après son intervention.
Le directeur général de MSF, Christopher Stokes, a lui jugé qu'il y avait bien plus qu'une "erreur humaine". "L'effarant catalogue d'erreurs mis en lumière aujourd'hui démontre la grossière négligence des troupes américaines et les violations du droit de la guerre", dont elles se sont rendues coupables, a-t-il estimé dans un communiqué.
La destruction de l'hôpital de l'ONG, a-t-il poursuivi, "ne saurait être simplement balayée d'un revers de la main comme une erreur humaine ou une violation des règles de l'engagement américaines". Et de réitérer l'appel de Mme Liu pour une "enquête indépendante et impartiale".
- Versions divergentes -
Selon l'enquête américaine, à la suite d'une panne électronique notamment, les membres de l'équipage ont été privés d'outils de navigation précis et de communication pendant le raid. Ils devaient viser initialement l'antenne des services de renseignement afghans à Kunduz, où se cachaient des talibans.
"L'établissement médical a été confondu avec une cible par les personnels américains qui pensaient bombarder un autre bâtiment à quelques centaines de mètres de là, où ils avaient été informés de la présence de combattants", a indiqué le général Campbell. Selon lui, la "démarche adéquate visant à vérifier que cet endroit était une cible légitime" n'a pas été respectée.
Et même une fois ses instruments de navigation rétablis, l'équipage de l'avion, un AC-130, a continué à frapper l'hôpital en se fiant à la description de la cible par les troupes au sol, sans vérifier ses coordonnées GPS.
"Les forces américaines ne ciblent jamais délibérément les hôpitaux", même lorsque des ennemis y sont soignés, a martelé le haut gradé.
Pour sa part, Christopher Stokes a jugé "choquant qu'une attaque puisse être menée même lorsque les troupes américaines n'ont pas les yeux sur la cible, ni accès à une liste des sites intouchables".
Si MSF a récemment admis qu'une "vingtaine de talibans" blessés étaient traités dans son hôpital, l'ONG souligne que ses équipes avaient transmis les coordonnées GPS de l'hôpital aux armées afghane et américaine avant le raid.
Elle avait en outre prévenu les états-majors dès que les premières bombes sont tombées, ce qui n'a pas empêché le bombardement de se poursuivre "pendant environ une heure", selon un compte-rendu fourni par l'ONG au début du mois, et non "29 minutes", comme le soutient l'armée américaine.
MSF en veut pour preuve les appels téléphoniques et les SMS de son personnel à l'Otan, à la Croix-Rouge et au Pentagone pour les informer de la situation. Selon elle, le dernier SMS a été envoyé à 2H56 du matin pour demander à l'Otan "de faire cesser les frappes", soit 20 minutes après que "le bombardement a cessé" d'après la version américaine.
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