La Turquie a abattu mardi un avion militaire russe qui avait, selon elle, violé son espace aérien à sa frontière avec la Syrie, provoquant une brusque escalade de la tension avec Moscou qui complique les efforts de formation d'une coalition antijihadiste mondiale.
L'appareil russe, un chasseur-bombardier de type Sukhoï Su-24, a été abattu par deux F-16 turcs et s'est écrasé dans l'extrême nord-ouest du territoire syrien, au nord de Lattaquié, théâtre de violents combats entre l'armée syrienne, soutenue par l'aviation russe, et des groupes rebelles.
Les deux pilotes ont pu s'éjecter avant le crash et, selon Ankara, seraient en vie.
"La Turquie dispose d'informations selon lesquelles les deux pilotes sont en vie et essaie de les récupérer", a indiqué à l'AFP un responsable gouvernemental turc s'exprimant sous couvert de l'anonymat.
Des sources proches de l'opposition syrienne avaient auparavant indiqué que l'un d'eux avait été tué par des rebelles avant de toucher le sol et que le second était porté disparu.
"Il n'y aucune information" sur le sort des deux pilotes, a indiqué de son côté le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov.
Cet incident, le plus grave depuis le début de l'engagement russe il y a deux mois, intervient alors que la France tente de convaincre les Américains, et surtout les Russes, de muscler ensemble leur lutte contre les jihadistes après les attentats de Paris.
Moscou est le dernier soutien, avec l'Iran, au régime de Damas, alors que les Occidentaux et la Turquie exigent le départ immédiat du président Bachar Assad.
"Coup de poignard dans le dos"
Le président russe Vladimir Poutine a vivement réagi à la perte d'un de ses avions militaires en dénonçant un "coup de poignard dans le dos qui nous a été porté par les complices des terroristes".
"Notre avion, nos pilotes ne menaçaient nullement la Turquie", a souligné M. Poutine devant la presse. "Cet événement tragique va avoir des conséquences sérieuses sur les relations russo-turques".
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a dans la foulée annoncé l'annulation de sa visite prévue mercredi en Turquie et a invité ses concitoyens à ne plus se rendre en Turquie.
De son côté, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a justifié sans hésiter le recours à la force par ses forces armées.
"Tout le monde doit savoir () qu'il est de notre droit internationalement reconnu et de notre devoir national de prendre toutes les mesures nécessaires contre quiconque viole notre espace aérien ou nos frontières", a-t-il déclaré.
L'état-major turc a affirmé que le chasseur-bombardier russe avait clairement violé l'espace aérien turc et qu'il en avait été averti "dix fois en l'espace de cinq minutes". Ces avertissements ont été confirmés par le Pentagone.
Le ministère russe de la Défense a catégoriquement démenti les allégations turques. Il "se trouvait exclusivement dans l'espace aérien syrien", a-t-il assuré.
Saisie par la Turquie qui en est membre, l'Otan a convoqué en urgence une "réunion extraordinaire" mardi en fin d'après-midi.
Plusieurs responsables européens ont invité les deux pays à la mesure.
"Nous devons tous garder la tête froide et rester calme", a déclaré le président du Conseil européen Donald Tusk sur Twitter.
Depuis le début de l'intervention militaire russe fin septembre, à deux reprises, des chasseurs turcs avaient intercepté des avions militaires russes engagés en Syrie qui avaient violé leur espace aérien.
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